alors dans les Anciens Canadiens, dans l’épopée de l’aède de Saint-Jean-Port-Joli, ce que sont dans les anciennes épopées ces chants de développement que la critique moderne a cru apercevoir, et que des poètes ont successivement brodés sur le thème primitif que leur avait légué la tradition.
Il est plus probable, cependant, et il est plutôt certain, que M. de Gaspé, qui donnait à son livre un titre si large et si vague : Les Anciens Canadiens, et qui se proposait donc de peindre des scènes de vie nationale plus encore que de raconter des souvenirs de famille, songeait déjà, quand il entreprit son œuvre, à toutes ces légendes et à tous ces lutins qui avaient tour à tour ravi ou terrifié son enfance, et dont la vive image amusait encore sa vieillesse. Il voulut, en ces pages qui raconteraient le passé, verser tous ses souvenirs, et nul lecteur ne lui reprochera d’avoir, par un art d’ailleurs si simple et si naturel, rattaché à l’histoire vraie la légende fantaisiste. Il ne pouvait être le narrateur complet des mœurs et des habitudes anciennes, s’il ne mêlait à tous ses récits les merveilleuses choses dont s’enrichit et se fortifie la crédulité populaire. C’est donc encore de l’histoire véritable que fait M. de Gaspé quand il s’attarde à décrire le bal des sorciers, ou quand il rappelle les promenades nocturnes du squelette macabre de la Corriveau.
Décrire les scènes variées et pittoresques de la vie canadienne, esquisser en quelques-unes de ses lignes les plus générales le tableau des grands événements politiques et militaires de la conquête, pénétrer avec le lecteur dans les croyances les plus familières du peuple, voilà bien à quoi s’est particulièrement employé l’auteur des Anciens Canadiens, et de quoi il a surtout rempli son œuvre. Mais