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ROMANCIERS DE CHEZ NOUS

à y mêler les folles exagérations que se peut permettre une imagination qui a franchi ses bornes. Il grossit à plaisir les incidents du récit, il multiplie les prouesses des farfadets qui habitent l’île enchantée, persuadé que toute cette fantasmagorie délirante ne fait qu’ajouter plus de vraisemblance à l’élément épique de son livre. Rien ne peut étonner le lecteur qui s’est laissé ainsi transporter dans le monde du rêve et de la fantaisie héroïque. Il accepte tout ce qu’on lui dit être le naturel effet et le jeu magique des facultés merveilleuses des personnages. Et puisque nous sommes ici en compagnie des lutins, il ne paraît pas étrange que leurs sabbats soient si féeriques, que leur agilité dépasse toute humaine conception, et qu’au milieu de leurs sérénades ils avertissent François Dubé qu’ils n’ont plus que quatorze mille quatre rondes à faire autour de l’île. On n’est pas davantage étonné d’entendre se prolonger en répercussions formidables les trois cris sataniques que poussent ensemble tous les sorciers… « L’île en fut ébranlée, nous assure José, jusque dans ses fondements. Les loups, les ours, toutes les bêtes féroces, les sorcières des montagnes du nord se saisirent de ces cris, et les échos les répétèrent jusqu’à ce qu’ils s’éteignirent dans les forêts qui bordent la rivière Saguenay. »

Ainsi de Gaspé, par toutes ces légendes et toutes ces réminiscences, agrandit, élargit les lignes historiques qui entourent et encadrent le sujet de son roman ; ou plutôt, il fait à ce cadre de nombreuses ruptures par où entrent et pénètrent la superstition des bonnes gens et le merveilleux canadien. Les deux chapitres : Une nuit avec les sorciers et La Corriveau ne sont pas, à la vérité, indispensables au dessin de son livre et à la suite des événements qui en constituent le fond essentiel. On pourrait concevoir l’intrigue de ce roman, sans que s’y rencontrent les sorciers et la Corriveau. Et, ainsi entendus, ces deux chapitres pourraient ne pas appartenir au premier plan que l’auteur avait organisé dans son esprit ; ils seraient