rondes si enlevantes qu’ils ne mettaient pas une minute à faire le tour de l’île d’Orléans.
C’est au moment où François Dubé, fasciné et effrayé par tant de visions inexplicables, regardait sans bouger la fête diabolique, qu’il sentit la Corriveau se grappigner amont lui, et lui étendre sur les épaules ses grandes mains sèches comme des griffes d’ours.
Or, la Corriveau est un personnage historique qui hanta autant que les sorciers l’imagination de nos anciens. Accusée et convaincue d’avoir tué deux maris qu’elle avait successivement épousés à Saint-Vallier, elle fut pendue en 1763 sur les buttes à Neveu, près des Plaines d’Abrabam ; et son cadavre, emprisonné dans une cage de fer, fut exposé pour le plus grand bien de la morale publique, à la fourche des quatre chemins qui se croisent dans la Pointe-Lévis. Une nuit, la Corriveau disparut avec sa cage : des jeunes gens en avaient débarrassé la Pointe-Lévis où elle affolait les imaginations, et l’avaient enfouie à quelques pas du cimetière. Mais le spectre de la Corriveau continua de poursuivre, la nuit, les esprits inquiets et craintifs ; on la vit, dit-on, plus d’une fois se promener avec sa cage le long des routes où elle terrifiait les passants.
Or, ce soir-là, où le père de José fut témoin de la sérénade des mystérieux insulaires, il prit envie à la Corriveau d’aller danser avec les sorciers ; et comme elle ne pouvait traverser le Saint-Laurent, qui est un fleuve béni, sans le secours d’un, chrétien, elle supplia François Dubé de la transporter. Et l’on sait que sur le refus très catégorique de François, elle lui fit perdre tout sentiment, monta sur son âme et se rendit au sabbat. Ce n’est que le lendemain matin, au chant d’un petit oiseau, et lorsque déjà le soleil lui reluisait sur le visage, que le défunt père de José reprit ses sens et sa route.
De Gaspé, qui s’amuse sans doute autant que le lecteur, à entendre raconter ces mirifiques histoires, se plaît