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ROMANCIERS DE CHEZ NOUS

Les chapitres de ce livre sont autant de tableaux de vie canadienne, dont chacun a sa valeur propre, quasi indépendante de celle-là qui retenait aux chapitres précédents le lecteur, mais qui sont tous liés par le mystère persistant de la volonté incertaine, réticente et douloureuse de Vincent.

Et ces chapitres ou ces tableaux sont chargés de la substance et de la couleur de nos paysages et de nos mœurs. Jamais, si j’ai bonne mémoire de mes lectures de roman canadien, on n’a fait un usage si abondant, aussi bien ordonné, et aussi nouveau en ses formes, de la matière canadienne. L’auteur s’est appliqué à nous raconter, à peindre la vie de nos habitants, la vie à la campagne, telle qu’on la vivait vers 1848, à une époque où la mécanique moderne n’avait pas encore fait perdre aux travaux des champs ou aux arts domestiques leurs modes ou leurs formes primitives ou pittoresques. Cette fresque large et rustique est, en somme, l’objet principal du livre.

Et c’est à passer d’un chapitre à l’autre que l’on passe d’une description à l’autre de cette vie dont l’image aujourd’hui déjà s’efface dans les souvenirs du peuple.

Le moulin banal, les dimanches à la campagne, avec les groupements et les causeries autour de l’église ou au village entre messe et vêpres ; une cour d’amour, où rivalisent auprès de Josephte, mais avec une sage retenue, les gara du canton ; les vieux types d’habitants, le vieil Antoine Douaire et la vieille Gotte ; les mauvaises cultures, l’envahissement des terres grasses par les sables, et la ruine des nombreux habitants des villages de la Bayonne ; la fenaison chez le seigneur, avec la description du manoir ; la récolte de l’herbe à liens aux marais du Petit-Nord, d’où Vincent voit courir sur le fleuve la voile blanche des goélettes, et sur les routes les diligences qui s’en vont ; le brayage du lin, chez les Douaire ; les arts domestiques au temps des anciens ; le déménagement des Auray, la corvée qui transporte en