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LÉO-PAUL DESROSIERS

NORD-SUD[1]




Je reproche à ce roman son titre Nord-Sud : il rappelle trop l’un des métros de Paris ; et ces deux vocables ne signifient pas assez le tableau multiple, réaliste, lumineux, de vie canadienne qu’ils couvrent d’une étiquette trop incolore.

Je pourrais bien reprocher autre chose aussi à l’auteur, et par exemple trop de recherche parfois dans l’invention des images, un peu de maniérisme dans certaines comparaisons, et je ne sais quoi de haletant, de laborieux, dans quelques pages du récit. Mais à quoi bon insister sur ces détails, quand au moment où je termine la lecture de ce livre, je reste sous l’impression qu’un effort consciencieux et puissant vient de se réaliser en une œuvre de qualité supérieure. Cette œuvre abonde de choses ou de sentiments ; elle se décore de riches paysages, elle foisonne de détails pittoresques ; et tout au fond, comme un courant discret et fort, circule un amour délicat, obscur, comprimé, qui murmure à peine sous les herbes ou sur les lèvres, et qui se perdra tout à l’heure dans la perspective indéfinie d’un départ triste…

D’autres reprocheront encore à Nord-Sud ce que Sir Wilfrid Laurier regrettait de trop apercevoir dans Maria Chapdelaine : la mélancolie presque douloureuse de la vie canadienne. Mais ce n’est pas toute la vie canadienne qu’a voulu peindre M. Léo-Paul Desrosiers, pas plus que Louis Hémon. Et si la dernière partie de son roman surtout est si pleine de durs labeurs et de nostalgies, et si tout le livre est voilé de tristesse, c’est qu’il raconte le

  1. Nord-Sud. Roman canadien, par Léo-Paul Desrosiers. In-12. 200 pages. Les Éditions du Devoir, Montréal, 1931.
    Cette étude ne fait pas partie du groupe des Essais et Nouveaux Essais.