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ROMANCIERS DE CHEZ NOUS

Voyez comme il décrit le terrible vent d’Ouest, le simoun glacé des prairies.

« Le vent !

« Je n’ai pas de mots pour exprimer ce qu’il signifie. Le vent de l’Ouest est terrible. Je l’ai entendu pleurer, gémir, des jours et des nuits, sans un instant de répit. Je l’ai entendu siffler, gronder, vociférer. Tantôt il se plaignait comme un enfant qui souffre, tantôt il hurlait comme une bande de loups faisant curée au fond d’un bois. Il venait par rafales coupant l’air sec, brûlant les chairs. On eût dit qu’il allait balayer la plaine, arracher la toiture de la maison, nous rouler dans ses tourbillons et nous emporter, fétus de paille et poussières vaines, vers la mort et l’oubli final. Je hais le vent. Je sais des hommes qu’il a brisés. Ils étaient forts, ils avaient toutes les audaces, ils étaient prêts à tous les risques. Ils reculèrent devant le martyre du vent. Ils aimèrent mieux partir que de lutter contre lui. »[1]

Et les autres tableaux où se déroule la vie de l’Ouest : le labour des terres neuves qui ne connaissaient pas encore la morsure de l’acier ; le soir, après le rude travail, le retour avec les chevaux fatigués, et la poussière du jour, charriée par le vent, qui a collé sur la peau comme un vêtement de crasse (p. 100-101) ; les volées d’outardes qui s’en vont l’automne, qui passent au-dessus des têtes, sans bruit, disposées en triangle incomplet (p. 173) ; l’automne lui-même, saison de la déchéance, de la nature en décomposition, saison des couleurs somptueuses, mais d’une beauté où on sent un relent de mort (p. 174) ; l’hiver, avec ses froids sibériens : les clous parfois se brisaient dans la charpente de notre maison. Cela faisait un bruit sec, comme celui d’une détonation… Dehors, en plein vent, on eût dit qu’une main de fer nous empoignait aux tempes (p. 182).

Plus que tout cela cependant, c’est la vie humaine qui fait surtout attachante la prairie où travaillent les

  1. P. 48-49.