tion le courage bouillant et irrésistible de Jules. Le « petit grenadier », comme on l’appelle au camp, se jette tête baissée au milieu des ennemis plus nombreux, et à travers les balles anglaises il s’élance trois fois à l’assaut du moulin qu’on se dispute comme une indispensable forteresse ; après le combat et la victoire finale, c’est au milieu d’un monceau de morts et de blessés qu’il faudra aller chercher le jeune et brave d’Habepville.
Ce seul fait d’arme, raconté d’une plume alerte et précise, résume dans sa vaillante et brève simplicité toute la bravoure du soldat canadien-français. Et il est exposé là, sous le regard du lecteur, comme le type de tant d’actions généreuses que le patriotisme multiplia ce jour-là sous les murs conquis de la ville de Québec. Il suffit donc à M. de Gaspé pour venger la mémoire de nos pères, et pour étayer, dans l’imagination des contemporains, la thèse historique que Garneau avait péremptoirement démontrée à leurs esprits.
Ainsi se trouvait réalisée l’une des plus nobles ambitions de l’auteur des Anciens Canadiens, et peut-être le plus puissant motif qui le fit écrire son livre.
L’histoire, obscure ou glorieuse, grande ou petite, ne suffit pas au roman, pas plus que d’elle seule pourrait s’accommoder l’épopée. Et, d’ailleurs, M. de Gaspé reporte ses lecteurs vers des temps déjà trop reculés, vers une époque trop lointaine pour que les événements s’y dessinent dans une pure lumière de vérité. On sait comme la légende pousse vite dans le champ de l’histoire, et comme elle y fleurit et mêle ses multiples couleurs aux sèches et arides réalités. Et le charme de la légende devient quelque chose de mystérieux et de sacré, quand elle-même se laisse envahir et pénétrer par le merveilleux.