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LA FERME DES PINS

M. Bernard a le style rapide. C’est pour augmenter sa vitesse qu’il pratique l’usage désagréable de supprimer habituellement le pronom il devant un deuxième verbe narratif qui souvent en aurait besoin. Citons entre cent : « Il se plaisait avec les garçons, ceux qui restaient, continuerait de vivre avec eux.[1] » — « Il (l’amour) était venu, n’avait été qu’amertume[2]. »

Besoin illégitime de rapidité qui fait aussi supprimer des prépositions nécessaires : « Le soleil luit pour tout le monde, les petits comme les gros.[3] » Il fallait : pour les petits comme pour les gros.

Je n’ose appuyer sur les impropriétés trop nombreuses du vocabulaire de M. Bernard. Ici, ce sont des vergers qui confirment : « d’immenses vergers venaient… confirmer ses déductions[4]. » — Là, c’est un rapide qui obstrue la rivière[5]. — Ailleurs, c’est la rivière « qui se cabre… à la rencontre de quatre îles successives[6]. » Plus loin, c’est le nom de Robertson qui s’étiole[7]. Ou encore, c’est accaparer qui se substitue à conquérir ou assimiler[8]. Sans compter cette autre impropriété qui constitue un non-sens : « la bonne terre qui nourrit les grains et les fruits, les plantes, les animaux et au delà d’eux tous les humains[9]. » Et qui ne préférerait un aspect sauvage à un aspect de sauvagerie pour qualifier un paysage[10] ?

Quand de telles impropriétés et de telles négligences se multiplient dans un livre, elles empêchent qu’on ne puisse dire que le livre est bien écrit, et elles ôtent à ce livre une large part de sa valeur éducative.

  1. R. 69
  2. P. 154.
  3. P. 105.
  4. P. 183.
  5. P. 43.
  6. P. 48
  7. P. 179
  8. P. 61
  9. P. 183.
  10. P. 47.