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LA FERME DES PINS

mariage, alors que les enfants ont grandi sous son influence prépondérante, accrue et fortifiée par le milieu social ; et c’est après la mort de sa femme que James Robertson essaie de reprendre à la vie française ses fils. Il consent que Thérèse, sa fille, qui est déjà mariée a Jean Leroy, et qui a quatre enfants qu’il adore, soit perdue pour l’influence et la survivance anglaises ; mais il veut que ses fils qui sont les héritiers du nom soient aussi les mainteneurs de la langue et de la race. Et c’est ici que commence la tragédie familiale.

Ses fils veulent épouser des Canadiennes françaises. C’est Philippe d’abord ; mais Philippe doit renoncer à son amour ou quitter la maison. Il quitte, s’en va, et dix mois plus tard on trouve son cadavre sur le remblai d’un chemin de fer, quelque part au Manitoba. Puis c’est Georges, l’aîné, qui fréquente Madeleine Riendeau. Mais cette fois James Robertson comprend qu’il y a d’irrésistibles courants qu’il est inutile de vouloir remonter ; il consentira donc à ce que Georges épouse Madeleine. C’est avec le dernier de ses fils, Robert, qui a quinze ans, qu’il essaiera de refaire l’âme des Robertson. Un jour il amorce avec l’enfant, qui n’y comprend rien, la périlleuse conversation. Il ne trouve pas en Robert, canadianisé, la force de rebondissement de la race. Il faudra donc l’arracher au milieu où il a grandi. James Robertson, qui a soixante-cinq ans, achètera une ferme dans l’Ontario, près de Kingston, et c’est là qu’il se propose de replonger, pour lui faire retrouver ses vertus natives, l’âme assimilée des Robertson. Et le roman finit par le consentement au mariage de Georges avec Madeleine, sans que l’on sache d’ailleurs si Robert qui a déjà paru bien indifférent au patriotisme exalté de son père, consentira à s’éloigner du canton natal et de tous les siens, pour suivre en province anglaise le sauveur attardé de sa race.