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ANDRÉ LAURENCE

nous qu’ailleurs, et qu’il n’y faut jamais désespérer du progrès.

En général, M. Dupuy, qui a écrit un roman de mœurs, voit avec un œil précis et juste les choses de la vie canadienne. Ses tableaux ne sont pas larges, mais ils sont élégamment ramassés. Les perspectives n’en sont pas profondes, mais elles offrent des lignes sobres sur lesquelles se posent des couleurs exactes. Il y a telles pages sur la vie des employés de bureau, sur le cosmopolitisme du boulevard Saint-Laurent, qui sont des croquis fort bien dessinés et présentés.

Au surplus, les descriptions, qui sont plutôt fort discrètes dans ce roman, mais qui sont composées avec bon goût, témoignent d’un souci constant de la mesure. M. Dupuy se plaît à décrire des activités humaines plutôt que des paysages ; parfois aussi il combine avec le paysage les gestes et les actions de l’homme. Suivez, par exemple, à sa sortie de Montréal, le train qui emporte André vers la villégiature[1]. Vous verrez là un paysage de derrières de maisons pauvres, et plus loin un coin de campagne, qui emplissent l’œil de choses sales, vraies et pittoresques. D’autre part, le panorama exclusivement rural, le panorama de collines, de fleuve et de montagnes sur lequel des nappes de lumière s’étendent en splendeur magnifique, et qui fascine au premier matin de sa villégiature André Laurence, et qui fait surgir en son imagination ravie le sujet d’une vaste épopée lyrique, ce panorama pour n’être que largement dessiné et peut-être un peu étriqué, atteste à son tour le goût classique de celui qui l’a placé sous les yeux du jeune poète.

Dans les cadres sobres du roman se meuvent des personnages. Chacun d’eux porte avec une suffisante originalité son caractère. L’auteur n’a sûrement pas abusé de la psychologie ; on en souhaiterait parfois un peu plus :

  1. Pages 100 - 103.