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ROMANCIERS DE CHEZ NOUS

en beaucoup d’anciens élèves par l’enseignement de beaucoup de nos anciens maîtres. André Laurence finissait ses études en 1919-1920. Tout ne fut pas damnable à cette époque, ni avant. Et depuis, il y a pour l’amélioration du corps professoral, l’École Normale Supérieure de Québec, avec ses deux sections lettres et sciences, et les Facultés de Lettres et de Sciences de Montréal. Quand André Laurence reviendra de Paris, il suggérera à M. Dupuy d’autres pages, et moins pessimistes, sur la vie intellectuelle et la compétence de nos professeurs de lettres.

Quant au scandale littéraire que fut, au temps d’André Laurence, le culte des lettres pratiqué par un élève en classe de philosophie, avouons que ce scandale a existé, qu’il fut même, par les faits, justifié, mais qu’il provoqua souvent aussi chez les maîtres des réactions exagérées. Il alla même jusqu’à la proscription — ou à peu près — de la dissertation philosophique, regardée comme jeu trop stérile de mots et de phrases. C’était oublier qu’au regard d’un maître qui connaît son métier, l’art d’écrire est avant tout l’art de penser, et que l’art de penser sans lequel il n’y a pas de formation intellectuelle véritable, et pas même de formation philosophique complète, n’est pas nécessairement contenu dans la tâche d’apprendre par cœur un manuel. Apprendre à organiser, composer, développer, traduire avec force sa pensée, est une tâche qui n’est pas non plus achevée en Rhétorique, et qui doit se prolonger en philosophie, qui y sert à la formation solide de l’esprit, si le maître lui-même est capable de distinguer entre verbiage et véritable littérature.

Le système des cloisons étanches a été sûrement chez nous une grosse erreur pédagogique. Mais que dira André Laurence quand, à son retour au Canada, il apprendra que la dissertation est désormais inscrite au baccalauréat de l’Université de Québec ? Il reconnaîtra, nous l’espérons, que l’immobilité n’existe pas plus chez