De Gaspé, qui a su raconter et peindre si vivement un tel épisode, pouvait ensuite entreprendre de tracer d’une main sûre les scènes sanglantes et désastreuses de la guerre. Ces scènes sont, en vérité, de la plus grande histoire, mais la grande histoire est aussi familière à notre auteur que la petite ; et s’il éprouve quelque tristesse à raconter nos dernières résistances patriotiques, il y a dans les regrets du vieillard je ne sais quelle joie discrète et forte qui se manifeste et qui éclate, quand il rappelle tant d’actions valeureuses, tant de sacrifices si courageusement offerts, tant d’immolations sublimes, qui couronnent comme d’une auréole de martyr la suprême agonie de la puissance française en Amérique.
Et il met à raconter cette gloire des défenseurs du drapeau blanc, un empressement d’autant plus grand que trop longtemps ici on a ignoré la conduite de ces soldats malheureux, et que trop volontiers l’on a prêté l’oreille aux calomnies des historiens anglais.
« Vous avez été longtemps méconnus, mes anciens frères du Canada ! Vous avez été indignement calomniés. Honneur à ceux qui ont réhabilité votre mémoire ! Honneur, cent fois honneur à notre compatriote, M. Garneau, qui a déchiré le voile qui couvrait vos exploits ! Honte à nous qui, au lieu de fouiller les anciennes chroniques si glorieuses pour notre race, nous contentions de baisser la tête sous le reproche humiliant de peuple conquis qu’on nous jetait à la face à tout propos ! Honte à nous qui étions presque humiliés d’être Canadiens ! Confus d’ignorer l’histoire des Assyriens, des Mèdes et des Perses, celle de notre pays était jadis lettre close pour nous. »[1]
- ↑ Page 201.