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AU LARGE DE L’ÉCUEIL

construit avec puissance son œuvre. On eût aimé dans son roman des discussions d’idées plus pénétrantes, des états d’âme moins superficiels, et des pages d’analyse psychologique plus chargées, plus fortement originales. Assurément M. Bernier s’est trop abstenu de ces analyses où il aurait pu largement déployer sa pensée ; il ne s’est pas assez appliqué à peindre de ces tableaux de vie humaine où se ramassent, se concentrent, se dessinent en relief les forces inavouables ou généreuses de la conscience. M. Bernier a voulu plutôt que ses personnages s’expliquassent eux-mêmes ; et au lieu de disserter pour son propre compte et celui des lecteurs, il a fait parler ses héros, il nous a donné des dialogues.

Et il y a de beaux dialogues dans ce roman. Écoutez ce que disent Jules et Marguerite dans la calèche verte qui les emporte sur nos grandes rues, et les impressions qu’ils échangent sur la colline du Parlement et sur la falaise de Sainte-Foy. C’est beau, c’est naturel, et fort délicat. Suivez aussi, pour assister à la grande scène pathétique du roman, suivez sur la cime du Cap Tourmente les trois jeunes gens qui doivent se quitter demain ; et pendant que Jeanne, discrète, s’en va vers les hauts plateaux, entendez Jules et Marguerite échanger leurs âmes, et recueillez de leurs lèvres les paroles ardentes et pures qu’ils se disent l’un à l’autre sous les bras de la grande croix. Il y a là quelques-unes des meilleures pages qu’ait écrites M. Bernier.

Nous voudrions que tous les dialogues du roman soient aussi agréables à écouter que ceux-là. Mais ils ne le sont pas tous. Il y en a d’autres qui ne sont pas toujours bien conduits, il y en a de trop violents, ou dont la violence est mal venue ; il y en a surtout de trop oratoires. Que de discours dans ces conversations ! Et com-