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ROMANCIERS DE CHEZ NOUS

J’aime beaucoup moins que tout cela finisse par un mariage. Car, tout cela devient bien bourgeois. Ne faut-il pas que le lecteur ne puisse pas douter de la sincérité religieuse de Marguerite Delorme ? Et celle-ci, se sentant devenir aveugle, n’a-t-elle pas elle-même exprimé quelque défiance au sujet de ses premières pensées chrétiennes, de ses espoirs dans les joies de l’au-delà. « Ce n’est peut-être que de la poésie, du sentimentalisme, le besoin de remplacer les horizons perdus par des rêves d’infini. » Et si demain la conversion et le miracle doivent aboutir au mariage, ne pourra-t-on pas soupçonner de quelques mobiles intéressés l’élan d’une âme vers la lumière et vers la vérité ? Il eût été plus adroit, semble-t-il — je ne dis pas plus vraisemblable ni plus humain — de pousser jusqu’à l’héroïsme l’évolution rapide de la conscience de Marguerite Delorme. Pourquoi ne pas suggérer à cette âme d’élite l’immolation totale ? Puisque son père doit souffrir de la voir épouser un croyant qu’il méprise, et puisque sa foi, insupportable au sectaire, l’exclut désormais de son foyer, qu’elle aille donc, héroïque vierge, s’enfermer au cloître, où, victime agréable, elle sacrifiera, pour son père et pour sa mère, la grâce souriante de sa jeunesse.

C’est ainsi, du moins, que j’aurais voulu voir finir le roman de M. Bernier, et l’histoire de ses héros. C’est beau de contourner les écueils, et de se rejoindre à la faveur des flots propices ; mais il est des cœurs qu’il faut aussi savoir briser, même contre l’écueil. C’est par de tels héroïsmes que la foi appelle en haut l’humanité, et qu’elle fait si prestigieuse la royale beauté du christianisme.

M. Bernier a greffé sur le sujet principal de son roman, que nous venons d’analyser, un sujet secondaire ; ou plutôt, il a subordonné toute cette fable amoureuse à une