Il me plaît de signaler ici l’auteur de Au large de l’Écueil. Des fréquentations intellectuelles longtemps quotidiennes — de ces fréquentations où se croisent, se mêlent, s’harmonisent les pensées du maître et celles de l’élève — m’ont permis de connaître en sa fleur la plus tendre le beau talent de M. Bernier. Je me souviens de ces harangues éloquentes, de ces dissertations parfois subtiles, de cette prose nombreuse et élégante, dont aimait s’envelopper comme d’une draperie la pensée du rhétoricien ; et ma joie est vive de voir grandir avec les jours, en une âme déjà haute, une saine et généreuse ambition.
Au large de l’écueil ! Ce titre ne manque assurément pas d’ampleur, et le sujet non plus. Et l’un et l’autre recouvrent des états d’âme canadienne, intéressants à observer, difficiles à mettre en grande lumière.
L’écueil, c’est l’éternelle et irritante question religieuse, qui se pose entre deux âmes, qui les sépare comme une « barrière », a pensé M. René Bazin, qui se montre à la surface des existences comme un « écueil », déclare M. Hector Bernier. Et nous avons donc ici un thème de roman qui est presque une thèse ; un thème dont M. Bernier n’a pas voulu, cependant, faire une thèse, et qu’il a traité plutôt sans dissertations théologiques, comme on doit traiter la vie, en montrant des âmes qui se rencontrent, se recherchent, se heurtent, se blessent, se comprennent enfin, et s’uniront dans un dernier chapitre que l’auteur n’a pas fait, mais qu’il suggère, et que chacun achève en son imagination. Ainsi, le spectateur au théâtre est lui-même chargé de deviner, de composer le sixième acte de la tragédie.
Jules Hébert, jeune québécois qui voyage, revient d’Europe. Sur le Laurentic où il a pris passage, il rencontre Marguerite Delorme, une jeune française aimable,