prit chrétien qui anime, vivifie, élève toutes ces humbles existences, que M. de Gaspé se plaît à célébrer.
Il faudrait ici pouvoir assister aux réunions de famille dans le salon du manoir, aux excursions dans les champs ou sur les grèves de Saint-Jean-Port-Joli ; il faudrait relire le chapitre qui est consacré à la fête du mai que l’on a planté dans le parc de M. d’Haberville, et signaler les joyeuses agapes où seigneurs et censitaires, groupés autour des mêmes tables, fraternisent dans la plus franche gaieté, et font chanter sur leurs lèvres les populaires refrains de la Nouvelle-France. Il serait aussi plaisant d’entendre raconter les bonnes histoires qui sont les délicieux et variés entremets de ces repas familiers, et par exemple celles que raconte le capitaine Marcheterre, pendant le souper que l’on prend à Saint-Thomas, chez le seigneur, M. de Beaumont, et toutes ces escapades dont fut coutumière et bien chargée l’enfance aimable et très active de Monsieur Jules.
L’abondance copieuse et grasse, la gaieté vive et enjouée, la politesse toute cordiale et simple, voilà ce qui faisait le charme des festins du bon vieux temps et de ces pantagruéliques repas, que Jules décrit à Arché[1], et que se donnaient les uns aux autres, pendant les longs mois d’hiver, les habitants de nos campagnes.
M. de Gaspé regrette que tout cela soit déjà en train de disparaître dans le faux éclat du luxe qui nous envahit, et c’est après avoir raconté les fêtes de famille auxquelles donna lieu le retour de Jules au foyer paternel, et avoir fait assister le lecteur aux divertissements bruyants mais honnêtes qui suivaient le repas, qu’il écrit avec un accent de patriotique tristesse :
« Heureux temps où l’accueil gracieux des maîtres suppléait au luxe des meubles de ménage, aux ornements dispendieux des tables, chez les Canadiens ruinés par la
- ↑ Page 131 de la première édition, 1863. Nous renverrons toujours le lecteur à cette édition.