elle ne cherche pas les cas rares, les cas exceptionnels pour les examiner, les retourner et en démêler les très complexes éléments. Sa psychologie est plus accessible et moins abstruse. Lambert Closse et Elisabeth Moyen sont des âmes très belles, mais nullement compliquées ; et Laure Conan s’attache à nous faire voir en elles ce qu’il pourrait y avoir de meilleur en vous et moi. Nous voudrions même parfois cette psychologie moins superficielle et plus variée en ses procédés. Il y a peut-être un type trop uniforme de ces personnages, et peut-être aussi ce type est-il trop féminin. À une époque de grandes batailles comme celle où vivent les héros de L’Oublié, on aimerait voir sur ces visages de colons qui sont soldats quelque chose de plus viril et de plus martial.
C’est sans doute aussi parce que Laure Conan se plaît davantage à peindre des âmes délicates, féminines, qu’elle a donné dans son livre une trop large place à Elisabeth et à Mlle Mance.
Nous ne pouvons, dans cet article, entrer dans l’analyse des caractères que Laure Conan a tracés. Mais Lambert surtout et Elisabeth mériteraient une étude particulière ; et il serait spécialement intéressant de faire voir comment l’auteur a fait naître et se développer dans ces deux âmes une passion très vive, très pure, que les obstacles ou les déceptions n’ont jamais surexcitée ou égarée. C’est une idylle délicieuse et fraîche que l’histoire des amours de Lambert et d’Elisabeth. Jamais berger et bergère ne se sont plus doucement ni plus sûrement possédés.
L’admiration et un sentiment très vif de la grandeur des devoirs accomplis furent les premiers mouvements qui portèrent l’un vers l’autre Elisabeth et Lambert. L’amour ne pouvait, certes, s’enfermer d’abord en des formes plus nobles, ni plus idéales. Et l’auteur s’est appliquée, dans deux pages qui se correspondent et se complètent, à raconter les premiers émois de ces âmes pures.