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ROMANCIERS DE CHEZ NOUS

Au reste, Laure Conan sait nous donner admirablement cette illusion, quand il lui plaît, et conserver aux hommes et aux choses le caractère que, par ailleurs, nous leur connaissons. Et ce n’est pas un des moindres mérites de son livre. Elle nous dit très précisément ce que dut être, ce que fut cette étonnante, cette miraculeuse Villemarie au milieu du dix-septième siècle.

Vous savez, en effet, que Montréal ne pouvait naître comme naissent les autres villes. Montréal fut extraordinaire dès son berceau. Ce sont des âmes d’élite, de vrais religieux, des saints véritables qui lui donnèrent la vie, et ces héros étaient d’une initiative dont avaient tort de se moquer déjà les gens de Québec de ce temps-là[1]. Maisonneuve est une des figures les plus nobles, les plus énergiques aussi, les plus pures qui soient dans la galerie de nos fondateurs ; c’est un chevalier de Dieu et de Marie ; il vient travailler ici à étendre le règne de l’un et de l’autre ; lisez plutôt le chapitre premier de L’Oublié. Mlle Mance est l’hospitalière par excellence ; c’est la mère des pauvres, des blessés, des malheureux ; elle s’enveloppe d’une atmosphère de tendresse, de piété, de vertu qui charme et qui purifie tous ceux qui l’approchent ; c’est une vierge admirable, un apôtre vraiment élu. Entendez-la révéler à Elisabeth l’inspiration qui la fit venir ici dépenser sa vie : « On ne choisit pas sa vocation. Je n’y pouvais rien. Toute mon âme s’en allait vers la Nouvelle-France[2] ».

Et tous les autres personnages qui ont aidé ceux-ci à fonder Montréal, et dont Laure Conan a esquissé la silhouette, ont les mêmes attitudes de piété virile, de missionnaires inspirés.

Voyez, par exemple, Lambert lui-même, et de Brigeac, et Marguerite Bourgeois ; entendez ces hymnes de la Vierge que le soir on chante au Fort pour charmer les

  1. L’Oublié, pp. 19, 20.
  2. L’Oublié, p. 57.