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ROMANCIERS DE CHEZ NOUS

Seulement, comme il arrive d’ordinaire dans la vie privée, la jeune fille, l’épouse, la mère y occupent une place considérable, et souvent la plus large. Et Laure Conan avait donc ici un très dangereux écueil à éviter, et elle n’a pas toujours bien su s’en garder. Vraiment, Lambert est trop souvent mis à l’écart dans L’Oublié. Cet « oublié», l’auteur l’oublie trop souvent elle-même, et le lecteur s’impatiente de ce que le héros principal est à peu près négligé pendant les cent premières pages d’un livre qui n’en comptera pas deux cent cinquante, et de ce que c’est Elisabeth qui y étale plutôt son personnage. Pourquoi donc Lambert n’a-t-il pas un rôle plus important dans ce livre qui lui est consacré ? Pourquoi ne se montre-t-il pas et n’agit-il pas plus souvent sous nos yeux ? Que fait donc Achille sous sa tente ?

Au fait, n’est-ce pas plutôt Elisabeth que Laure Conan a voulu peindre, raconter et faire revivre en ces pages qu’elle vient d’écrire ? Elisabeth, d’ailleurs, appartient, elle aussi, à l’histoire ; elle aussi, l’orpheline malheureuse et la prisonnière intéressante, elle est une « oubliée ». Et voyez comme l’auteur s’attache à mettre en lumière dans toute la suite du livre cette petite fille qu’au début du chapitre deuxième vous apercevez assise au milieu d’une pirogue, coiffée de feuillage, les cheveux flottant au vent, le visage baigné de larmes heureuses. C’est elle, Elisabeth, c’est bien elle dont la vision douce rayonne à travers toutes les pages de L’Oublié ; c’est bien « cette petite qui a des yeux comme Mlle Mance les aime, des yeux de velours avec du feu au fond », qui nous occupe, nous attendrit, nous retient, nous captive. Et dès lors, Laure Conan n’a-t-elle pas vraiment oublié d’ajouter une lettre au titre qu’elle a écrit sur son livre ? Ou plutôt, et nous nous excusons de risquer ici un conseil, n’est-ce pas Les Oubliés ou Deux Oubliés qu’il faudrait lire, quand viendra une seconde édition, sur la couverture du roman ?

Que si un pareil défaut a pu se glisser dans la composition de l’ouvrage que nous étudions, c’est que sans