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Ce plan n’était pas neuf mais n’en était pas moins bon pour cela. Il avait été employé avec succès dans une rencontre que fit M. Duluth sur le lac Saint-Louis avec une bande d’Iroquois.

Joseph avait divisé ses soldats en deux pelotons. Cinq devaient tirer, puis Pierre, lui, et deux soldats formaient la seconde division.

Pierre demanda à Dona Maria de se coucher dans le canot, afin de ne pas servir de point de mire aux sauvages, mais elle refusa bravement de se prêter à ce désir et supplia Joseph de lui donner une arme, un fusil, pour venger son père assassiné par des visages cuivrés comme ceux qu’elle voyait maintenant. Il y avait un fusil de surplus ; elle le prit et voulut faire partie de la seconde escouade.

— Ne perdez pas votre poudre, recommanda Joseph : et, visez juste autant que possible et que chaque coup soit mortel ou fatal à l’ennemi.

Et les fusils des Français avaient une précision remarquable.

Les Kinongé-Ouilinis étonnés de cette défense si bien soutenue furent finalement obligés de plier et de prendre la fuite.

Pas un des Français n’était blessé quand de la Vérendrie songea à s’éloigner aussi promptement que possible de cet endroit, qui devenait bien dangereux maintenant. Les sauvages ayant gagné terre pouvaient, protégés par les arbres, leur décocher avec impunité des coups mortels. Ce fut ce qui arriva, et un cri parti tout à coup de l’un des canots annonça qu’une balle ennemie avait frappé. À leur grande horreur à tous c’était la jeune fille qui succombait… Le projectile l’atteignait au cœur ; elle expira presque aussitôt.

Pierre perdant la tête, voulait faire débarquer et courir sus à l’ennemi pour l’exterminer, mais Joseph savait bien qu’avant d’aborder au rivage ils seraient presque tous frappés par les balles des Kinongé-Ouilinis.

La douleur dans l’âme, les Français s’éloignèrent de la scène du combat où l’infortunée Espagnole avait trouvé la mort.

Le lendemain, dans une fosse creusée sur la rive nord de la Saskatchewan, les restes mortels de Dona Maria étaient déposés.

La fosse comblée et après avoir fait une dernière prière sur elle, les soldats et leurs officiers remontèrent tristement dans leurs embarcations et continuèrent leur route.

De ce moment, Pierre perdit son humeur joyeuse qui avait jusqu’alors égayé la monotonie du voyage.

Aimait-il la jeune fille ?

Peut-être !

Ils arrivèrent enfin au Paskoyac où les attendait le chevalier de Niverville.

Le retour à Ville-Marie, en passant par le fort Maurepas au sud du lac Ouinipik, en un mot retraçant l’itinéraire déjà suivi, se fit sans incident intéressant, et toutes les personnes de l’expédition dirigée par M. de Saint-Pierre, revirent Montréal en l’automne de 1752.

ÉPILOGUE

Le lecteur, sans doute, aimera savoir ce qu’il advint des principaux personnages de cette nouvelle historique.

Voici ce que l’on en peut dire.

M. de Saint-Pierre, le 2 novembre 1752, fut envoyé par M. Du Quesne, le gouverneur général, pour remplacer le capitaine de Marin qui se mourait, et prendre le commandement de la Belle Rivière (Ohio). Il périt à l’attaque du camp du général Johnson, au fort Lydias, en 1755. Il commandait les sauvages sous les ordres du baron de Dieskau.

M. le chevalier de Niverville se distingua dans plusieurs incursions faites dans la Nouvelle-Angleterre, et au siège de Québec en 1759.

Joseph et Pierre imitèrent son exemple. C’était l’époque où une lutte gigantesque allait s’engager entre quelques milliers de Français, de Canadiens et un nombre cinq ou six fois supérieur d’Anglais.

Nos deux braves combattirent vaillamment et se couvrirent de gloire.

Le cœur de Joseph de la Vérendrie avait gardé fidèlement le souvenir de la jolie jeune personne qu’il avait connue au bal de M. de Longueuil, en 1749, car en 1755, il l’épousait à Ville-Marie.

Le volage Pierre de Noyelles s’est-il fixé plus tard. Nous l’ignorons. Après la cession du pays, il passa en France avec son père, sa mère et ses frères.

Quand les deux amis eurent partagé l’or apporté des Montagnes Rocheuses, chacun se trouva possesseur d’une somme équivalent à environ cent mille livres.