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détaché quelques-uns des leurs sur la piste encore fraîche de Pierre.

Cette meute suivait Brossard adopté par cette tribu de peaux-cuivrées. Le drôle s’était dit en apercevant les traces des trois raquetteurs, que M. de la Vérendrie ou M. de Noyelles, voire les deux avaient dû passer par là, se rendant à la fameuse cachette mentionnée dans les papiers de l’amulette.

Il n’avait pas tardé à se rapprocher et à reconnaître M. de Noyelles et ses aides.

Il les laissa continuer leur marche, voulant découvrir leur secret. Lorsqu’ils pénétrèrent dans la grotte il se dit qu’enfin il les tenait !

C’est lui qui envoya deux balles, l’une au Renard, l’autre dans la porte, le soir, au moment du repas des hommes qu’il traquait ; c’est lui encore qui fit un brasier immense à l’entrée de la grotte pour asphyxier ceux qu’il y savait enfermés.

Mais ses desseins ne devaient aboutir à rien.

Un matin, le cinquième depuis qu’il poursuivait Pierre, il vit à l’est un panache de fumée épaisse qui soufflait de l’ouest. Ne comprenant pas exactement ce que cela signifiait, mais ayant un vague pressentiment que la grotte recélait une issue autre que l’entrée surveillée par ses Assinibouëls, et que la fumée avait suivie cette voie, il voulut s’assurer du fait par lui-même.

Il rassembla quelques hommes et s’élança vers l’endroit d’où la fumée sortait, à l’autre bout de La Pipe.

Comme il s’arrêtait à la petite sapinière décrite sur la seconde carte de l’amulette, il aperçut une chose étrange qu’il reconnut bientôt.

Poussant un juron de rage, il redoubla de vitesse, mais il était écrit qu’il serait en retard.

Un grand traîneau muni de trois patins, deux à l’avant et l’autre à l’arrière, formant gouvernail, venait de sortir de la « coulée », tiré par Pierre et ses aides.

Ce traîneau singulier avait un mât dont la voile, — une voile carrée, — était composée des couvertures de laine apportées par M. de Noyelles pour se garantir du froid, le soir.

Cette voile mesurait dix pieds de large par douze de hauteur.

Aussitôt hors de la « coulée », les trois hommes prirent place sur le traîneau, Pierre à la barre, et le Renard et son frère sur le gaillard d’avant, c’est à dire chacun sur un patin.

En entendant le cri de Brossard, les gens du voilier à patins tournèrent la tête et reconnurent le misérable qui en voulait à leur vie et à leur or.

La voile s’enfla et le traîneau s’ébranla.

Brossard et ses hommes arrivaient.

— Dieu nous soit en aide ! murmura de Noyelles.

Et il fit le signe de la croix.

Mais le vent augmenta et Pierre eut la satisfaction de voir son travail couronné de succès ; le traineau, maintenant bien enlevé, glissait sur la surface durcie de la neige, comme un oiseau qui rase la cime des vagues.

Chaque instant voyait sa vitesse s’accroître jusqu’à son plus haut degré.

Les deux Yhatchéilinis se tenaient solidement cramponnés à leur poste, probablement un peu effrayés de cette allure rapide qu’ils n’avaient jamais éprouvée auparavant.

Pierre, calme et souriant, gouvernait bien.

Ils étaient sauvés !

Il va sans dire que l’or qu’ils allaient chercher n’avait pas été abandonné à La Pipe.

XVI

MADEMOISELLE D’AMPURIAS

Le retour de Pierre au fort, dans son étrange traineau, avait fait sensation parmi la garnison, et fourni matière à maints contes de la part des vieux braves qui formaient l’effectif de Joseph.

Le Renard et l’Écureuil apprirent avec une vive douleur le massacre de leurs parents et amis. Leur sœur qui servait Mlle d’Ampurias avait aussi échappé au drame sanglant. Les deux frères aimaient beaucoup les visages pâles et demandèrent l’autorisation de toujours demeurer avec eux ; Joseph la leur accorda volontiers.

L’hiver déjà avancé à cette époque, — l’on était au mois de février, — s’écoula sans que d’autres sauvages se montrassent de loin ou de près aux hôtes du poste Français.

Le printemps renaissait, et Joseph songea à revoir M. de Niverville.

Il mit ses embarcations d’écorce de bouleau en bon état, prépara tout pour son départ, et, dès qu’il jugea la rivière navigable, il embarqua.

La rivière grossie par les eaux du printemps, coulait plus rapide et les voyageurs éprouvèrent moins de fatigue pour le retour