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de la Jonquière, y accourut avec cinq hommes.

Bientôt, ils entendirent monter dans l’échelle, puis ils devinèrent plutôt qu’ils ne virent un indien à cheval sur le rempart. Se cramponnant des mains, le sauvage se laissa glisser le long du mur, et lâcha prise. Il tomba… entre les bras des soldats qui, en un clin d’œil, le bâillonnèrent et le ficelèrent, comme s’il se fut agi d’un fagot. Un autre se présenta qui eut le même sort ; et ainsi de suite jusqu’au dernier de la bande.

Quand le dernier fut pris, les soldats n’en voyant plus venir, enlevèrent l’échelle et traînèrent les sauvages au corps-de-garde et les y tinrent prisonniers à vue.

Ce bon coup fait, Joseph et Pierre se retirèrent pour prendre du repos.

La longue course de la journée et les incidents émouvants de la nuit exigeaient qu’ils prissent un repos réparateur.

Mais le sommeil fut lent à leur fermer les veux ; une question troublante se posait à eux avec persistance.

Quelle était cette personne au chant si triste, et à la voix mélodieuse, qui habitait le ouigouame du chef principal de la tribu des Yhatchéilinis ?

Le lendemain le leur apprendrait-il ?

XIII

L’ESCLAVE BLANCHE DES YHATCHEILINIS

Joseph et Pierre se levèrent plus tôt que d’habitude, le matin qui suivit leur magnifique coup de filet.

Joseph appela le Renard et voulut se faire dire ce qu’il savait de l’intéressante inconnue au pouvoir du Corbeau.

— Le Renard ne sait pas grand’chose, dit-il. Il sait seulement que le chef le Corbeau, à trois jours de marche d’ici, au sud, a acheté une jeune fille, à un parti de Sioux. Le chef veut donner cette fille à son fils. La vierge blanche pleure, pleure beaucoup. Le Renard ne pense pas que la fleur blanche aime Œil-de-Faucon, mais le grand chef dit que son fils prendra, pour orner son ouigouame, l’esclave qu’il lui a achetée.

— Tu ne sais pas où ces Sioux ont pris cette fille ?

— Non. Le père du Renard est chef et pourrait peut-être renseigner le chef blanc mieux que moi.

— Très bien ! Cours me chercher ton père. Dis-lui que je désire le voir immédiatement.

Le jeune Yhatchéilini courut s’acquitter du message de Joseph.

À ce moment Pierre rejoignit son ami, et sa première parole, comme on le devine, porta sur l’incident, mystérieux de la veille.

Joseph mit Pierre au courant de ce qu’il avait appris déjà du Renard ; qu’il venait d’envoyer quérir Patte-d’Ours, en demeure probablement de les mieux éclairer.

— Pourquoi n’interroges-tu pas Œil-de-Faucon, que nous avons capturé cette nuit avec sa bande ? Puisque l’inconnue habite la cabane de son père, il doit posséder toutes les informations qu’il nous faut ?

— Ton moyen n’est pas praticable, mon cher. Le sauvage, s’apercevant que nous avons découvert ce qu’il a si bien caché jusqu’à présent, chose que l’on n’a pu en soupçonner l’existence, se taira et tentera plutôt de nous fourvoyer ou de nous circonvenir !…

Pendant qu’ils s’entretenaient de la sorte, le Renard revint accompagné de son père.

Joseph donna un siège à Patte-d’Ours et lui expliqua aussitôt le motif pour lequel il voulait le voir.

Sur les traits du vieux sauvage se refléta d’abord la surprise, mais, reprenant son masque d’impassibilité que le peau-rouge cherche toujours à conserver en toute occasion, il dit :

— Que mon frère pâle me permette une question : « Par quelle voie a-t-il connu ce que le chef des Yhatchéilinis tenait secret ?… Les fils de Patte-d’Ours auraient-ils trahi l’ordre du Corbeau d’être muets avec les guerriers blancs sur cette affaire ? »

— Non, répondit Joseph. Le grand manitou des Français m’a fait connaître l’existence de la malheureuse qui gémit au pouvoir du Corbeau, et j’ai décidé de lui faire rendre sa liberté.

Patte-d’Ours secoua la tête en signe de négation.

— Mon frère ne réussira pas facilement. Le chef Yhatchéilini ne se dessaisira pas de son bien pour rien ; il exigera de riches présents, certainement. Mais il ne sera pas le seul peut-être à disposer de la belle captive, l’ayant promise à son fils qui en est épris. Œil-de-Faucon refusera évidemment, lui aussi de se séparer de celle qu’il aime et malheur en adviendra, car il y aura du sang versé de part et d’autre !