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pourrie, ils contemplèrent ce bloc aurifère avec une joie délirante, suffoquante.

— Quel joli caillou ! murmurait de Noyelles.

Mentalement, Joseph supputait le nombre de pièces d’or que cette masse leur rapporterait.

Apparemment que ce calcul lui plut, car il eut un sourire satisfait.

Puis, ils transportèrent l’or dans la caverne, et prenant le couloir ou le tuyau de La Pipe, comme disait Joseph, ils le portèrent à la deuxième grotte.

Encouragés par cette riche trouvaille ils retournèrent aux Jumelles, mais après y avoir travaillé deux autres journées sans succès, ils se décidèrent à retourner au fort, abandonnant leurs recherches, quitte à les reprendre plus tard.

Ayant pris un court repos, ils partirent aux premières heures du jour, en masquant soigneusement l’ouverture de la caverne.

Ils retournaient d’une allure moins rapide qu’ils n’étaient venus.

On aurait dit qu’ils quittaient à regret leur trésor, quoiqu’ils dussent revenir bientôt.

Si les deux Canadiens eussent possédé un chronomètre, ils auraient pu voir qu’il était onze heures du soir lorsqu’ils atteignirent le village des Yhatchéilinis.

Les chiens de ces barbares reconnaissant l’Écureuil et le Renard ne jappèrent pas au passage de ces derniers, ni de Joseph et de Pierre.

Au moment où ils passaient près du ouigouame du Corbeau un chant doux et triste se fit entendre.

Pierre et Joseph s’arrêtèrent stupéfaits.

La voix qui s’exhalait ainsi plaintive et navrée n’appartenait pas à la race des Yhatchéilinis, ni à celle d’aucun autre peau-rouge. La personne qui chantaient s’exprimait en Espagnol. C’est ce qu’ils pensèrent.

Puis, subitement le chant fit place aux sanglots.

De Noyelles se penchant à l’oreille de son ami dit tout bas :

— Tu viens d’entendre cette voix ! Que penses-tu de ceci ?

— Chut ! souffla Joseph. Écoute, et sois immobile !

Une autre voix, rauque et gutturale, mais qui s’efforçait d’être moins dure, — celle du Corbeau, ou de son fils probablement, — se fit entendre à son tour. Puis, elle se tut, mais reprit au bout d’un instant, ayant évidemment attendu une réponse qui n’était pas venue. Cette fois la voix du Yhatchéilini fut plus rude.

L’Écureuil et le Renard, aux côtés des deux amis, tremblaient et ces derniers s’en aperçurent.

— Qu’y a-t-il ? demanda à voix basse le commandant Canadien au Renard.

— Œil-de-Faucon, le fils du grand chef ; mauvais sauvage, parle à l’esclave blanche… mais… pst ! fit-il soudainement. Chef blanc fais le mort !

Cette admonition était prononcée à propos.

Le fils du Corbeau sortait du ouigouame de son père ; il fit quelques pas dans les ténèbres, dans la direction du petit groupe silencieux.

Il s’arrêta et modula doucement le cri de la chouette. Presqu’aussitôt un autre cri semblable répondit à coûte distance.

Et les quatre hommes immobiles comme des statues, protégés par l’obscurité, entendirent peu après le colloque suivant entre les sauvages qui s’étaient rapprochés.

— Est-ce toi, l’Épervier ? interrogeait une voix.

— Oui, chef, répondait l’interpellé.

— Les jeunes braves sont-ils tous au rendez-vous ?

— Oui, on n’attend plus que toi. Je venais t’avertir que tout est prêt quand j’ai perçu ton signal.

— C’est bien. Les jeunes guerriers Yhatchéilinis vont bien s’amuser cette nuit ; et l’Œil-de-Faucon sera vengé.

— Malheur aux visages pâles !

— Allons au rendez-vous trouver nos amis ; pressons-nous, l’heure va sonner pour l’assaut du grand ouigouame des blancs.

Les deux sauvages s’éloignèrent.

Quand Joseph les jugea suffisamment loin, il s’élança suivi de ses compagnons, vers le fort, où quelques minutes plus tard ils arrivaient essoufflés.

Le sergent les avant reconnus, leur ouvrit, et aussitôt Joseph rassembla son monde. En peu de mots, il mit ses hommes au courant du danger menaçant que la Providence, fortuitement, lui avait fait connaître, et il prit immédiatement des mesures pour se protéger.

La garnison ne fut pas longtemps sur le qui-vive. Lorsque les sauvages appuyèrent leur échelle contre la palissade, le soldat apposté là, courut prévenir de la Vérendrie.

Celui-ci sachant maintenant à quel endroit les envahisseurs pénétreraient dans l’enceinte