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en vient, — du haut de l’enceinte de nos fortifications. Je te laisse Brossard qui s’entend un peu à baragouiner le Kristinot et quelques autres idiômes ; il te servira d’interprète.

De la Vérendrie partit le matin de bonne heure, dans une des embarcations qui avaient servi jusque-là.

L’après-midi du même jour, sur la rive sud, vis-à-vis le fort, apparut une grosse troupe de guerriers sauvages.

Ils semblaient étonnés à la vue de cette construction au-dessus de laquelle flottait le drapeau blanc aux fleurs de lis de France.

Bientôt un détachement de ces guerriers ayant trouvé un gué, traversa et vint parlementer jusqu’à la porte du fort.

De Noyelles eut recours à Brossard comme interprète. Il apprit que les sauvages qu’il voyait étaient des Assinibouëls qui désiraient fumer avec lui le calumet de l’amitié.

Pierre leur fit répondre par Brossard qu’il recevrait les chefs seulement, mais ce n’est pas ce que transmit l’interprète fourbe. Que dit-il aux sauvages ? Nous le saurons dans les lignes suivantes.

Néanmoins, les étrangers se retirèrent, et Brossard annonça à de Noyelles que les chefs viendraient le matin du jour suivant, pour faire échange de promesses amicales.

Le soir, Pierre, qui n’avait que cinq hommes avec lui, songea à faire bon guet durant la nuit, pour empêcher toute surprise de la part des démons cuivrés de la rive opposée, qui pourraient bien avoir l’envie de venir lui rendre visite alors que l’obscurité se prêterait à un coup de main.

Il plaça trois sentinelles aux postes les plus importants ; celles-ci seraient relevées par lui et ses deux hommes. Après un repos, les premiers reprendraient leurs places, et ainsi à tour de rôle, la nuit durant.

Ces sentinelles avaient une faction de deux heures à faire avant d’être relevées.

Tant qu’il fit clair, les blancs pouvaient du haut de la palissade, observer les gestes des Assinibouëls, mais quand la nuit devint de plus en plus dense, seuls les feux de ces redoutables enfants des bois étaient visibles comme d’énormes flambeaux.

Parfois, à l’oreille attentive des Français faisant le guet, des cris sauvages, de joie ou de méchanceté, arrivaient au-dessus de l’onde endormie.

Brossard montait la garde de minuit à deux heures du matin. Du moins, c’était ce que lui avait assigné M. de Noyelles, mais ce dernier aurait été étrangement surpris s’il eut pu faire une ronde et passer au poste du soldat déloyal, vers une heure du matin. Il aurait constaté l’absence de Brossard de son poste.

En effet, ce misérable, à cette heure-là, franchissait la rivière à la nage, et se présentait devant le chef des Assinibouëls. Il venait offrir de livrer le fort La Jonquière et ses habitants si l’on s’engageait en retour à se saisir de la Vérendrie, et de son ami de Noyelles, et à lui donner tous les effets ou habits que possédaient ces deux officiers. Il promettait aux indiens un riche butin, et neuf chevelures.

Les sauvages pouvaient-ils refuser cette offre avantageuse ? Brossard savait le contraire ; le chef lui jura tout ce qu’il voulut.

Ce drôle retourna donc au fort avec diligence, se félicitant intérieurement de ce que, si sa trahison réussissait, il mettrait enfin la main sur l’amulette de l’Aigle-Noir, et, maître du secret, il découvrirait le trésor sans tarder.

Son absence n’avait pas été remarquée, et le gredin, tout heureux, relevé de sa faction, s’en alla, sur son lit du corps-de-garde, mûrir ses projets de traître.

Au jour, M. de Noyelles ne mit qu’une sentinelle en faction et prit des dispositions pour recevoir les chefs Assinibouëls, qui viendraient fumer le calumet.

Vers les neuf heures, il était occupé dans sa chambre à préparer les présents qu’il donnerait pour se concilier les sauvages, quand Brossard vint lui dire que deux cents Assinibouëls environ venaient de s’introduire dans le fort. Mais ce que le traître ne dit pas, c’est que c’était lui qui leur avait donné accès dans l’enceinte fortifiée.

Ces indiens, tous armés, se dispersèrent en un instant dans toutes les maisons, et plusieurs entrèrent chez M. de Noyelles.

Il courut à eux et leur dit vertement qu’ils étaient bien hardis de venir en foule et armés chez lui.

L’un d’eux répondit en Kristinot qu’ils venaient pour fumer, ce à quoi le jeune officier leur dit que ce n’était pas ainsi qu’ils devaient s’y prendre, et qu’ils eussent à se retirer sur le champ.

La fermeté avec laquelle il leur parla les intimida, surtout lorsqu’il mit à la porte quatre de ces sauvages les plus résolus, sans qu’ils eussent dit un mot de cette façon d’être éconduits.

Au même instant, l’un des soldats vint