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surtout quand on y mis certaines herbes qui aident à tenir les yeux bien clos.

— Maintenant, continua-t-il, le secret !… l’amulette !… Je brûle d’avoir le dernier mot de cette affaire…

Il s’approcha de M. de la Vérendrie, mais il s’arrêta tout à coup.

Il lui sembla entendre le bris d’une branche dans le fourré voisin. Il écouta attentivement : aucun bruit ne vint troubler le silence de la nuit.

— C’est peut-être une des sentinelles, dit Brossard ; je n’y avais pas pensé.

Élevant la voix, il appela :

— Est-ce toi, Vanier ?

Pas de réponse.

— Est-ce toi, Saint-Laurent ?… Est-ce toi, Durant ?

Mais ses interrogations furent sans écho.

— Suis-je fou ? les sentinelles ne sont pas plus forts que les autres !… Tous ont mangé de mon ragoût aux fines herbes, et tous dorment !… Allons ! à l’œuvre !

Il se pencha sur M. de la Vérendrie pour visiter les poches de son habit.

Il s’arrêta épouvanté.

Un cri effroyable venait de résonner à son oreille et, en un clin d’œil, il se vit terrassé et garrotté.

Ses compagnons eurent le même sort, mais le narcotique puissant continuait son œuvre, et nul ne s’éveilla alors.

Ce que voyant, les sauvages, qui s’étaient emparés des Français, surpris de ce fait, s’adressèrent à Brossard, qui se croyait sur le point d’être massacré et ne savait à quel saint se vouer. Il eut voulu en invoquer quelques-uns, mais ne se rappelait plus comment le faire. À Dieu, il se serait bien recommandé ! Hélas ! toute sa vie passée à faire le mal se dressait terrible, devant lui.

Les sauvages étaient environ une vingtaine. Leur chef s’approcha de Brossard et lui parla, mais ce misérable ne put répondre. La terreur paralysait sa langue. Au même instant un sauvage avait voulu faire un festin du restant du souper des blancs, mais son palais reconnut bien vite la substance étrangère qui y avait été mêlée pour causer l’assoupissement des sens et le sommeil léthargique dont les Français étaient victimes.

Il vint aussitôt annoncer sa découverte à son chef.

Celui-ci ayant vu Brossard penché au-dessus de Joseph endormi, comprit tout de suite qu’il avait affaire à un voleur, et le fit surveiller plus étroitement.

Les sauvages firent ensuite un grand feu, afin de mieux voir, et comptèrent leur butin.

Enfin, à la pointe du jour, ils allèrent chercher leurs canots cachés près de là, la veille, et les mirent à l’eau après y avoir placé les soldats toujours sous l’influence du narcotique, et ils remontèrent la rivière tous ensemble.

Trois heures plus tard, les peaux-rouges arrivaient à leur village et jetaient dans une grande cabane, les blancs toujours garrottés, puis ils s’assemblèrent en conseil pour délibérer sur ce qu’il conviendrait de faire des visages pâles.

Pendant qu’ils délibèrent et discutent sur le sort des Français, voyons ce que font ceux-ci.

IX

L’AIGLE-NOIR

Pendant que le conseil des sauvages décidait de la vie des dix Français, l’effet du narcotique administré par Brossard se dissipait, et ces braves gens reprenaient leurs sens.

Comment décrire leur stupéfaction lorsqu’ils se reconnurent prisonniers des sauvages ?

Pour mettre un peu d’ordre dans ses idées encore vagues, Joseph voulut avoir des sentinelles, les détails au sujet de leur capture.

Que pouvaient-elles dire ?

Elles avouèrent honteuses et confuses, que le sommeil, mais un sommeil irrésistible s’était emparé d’elles, et que c’était tout ce qu’elles savaient.

Il questionna ses autres hommes qui affirmèrent avoir éprouvé le même besoin impérieux de dormir. Brossard dit comme ses compagnons.

De la Vérendrie ne savait d’abord que penser. Comme ce n’était qu’après le souper que cet engourdissement de ses hommes avait eu lieu, il conçut un soupçon contre son cuisinier. Une seule chose paraissait vraisemblable : le souper devait contenir une substance de nature à produire le sommeil.

Dans quel but ?

Il ne pouvait s’imaginer que le secret de l’amulette fut connu d’un tiers, et il attribua un autre motif à l’action de Brossard. Un vol vulgaire, probablement.

Il se promit de le surveiller.

Il en était là de ses réflexions quand la