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Le père de M. Joseph de la Vérendrie ; celui qui, avec une indomptable énergie et au sein de difficultés et de dangers sans nombre avait ouvert l’Ouest-Canadien au flambeau de la civilisation, rendait l’âme le 6 décembre, 1749, après quelques jours de maladie. M. Pierre Gauthier de la Vérendrie avait alors soixante-quatre ans révolus. Malgré cet âge qu’il portait allègrement ; malgré toutes les fatigues endurées dans ses voyages, sans compter les misères et les dégoûts dont ses envieux et ses ennemis n’avaient cessé de l’abreuver ; malgré le peu de profits financiers qu’il en avait retiré, l’intrépide Canadien, une semaine avant son trépas, travaillait encore à organiser une nouvelle expédition pour l’Ouest.

« De la Vérendrie, le pauvre grand découvreur du Nord-Ouest, fut l’une des gloires les plus rayonnantes du Canada » a écrit l’une de nos plus belles plumes de romancier, muette maintenant, et une autre, celle d’un historien, le glorifie par ces mots : « Deux figures se détachent au-dessus de toutes les autres dans la galerie des personnages que l’histoire nous présente comme les fondateurs du Canada : Samuel de Champlain et de la Vérendrie… le second arrivé sur la scène un siècle plus tard découvrit et fonda le Nord-Ouest. L’œuvre de chacun d’eux a été définitive en ce sens qu’elle n’a pas été interrompue par leur mort. Une fois leurs travaux accomplis ils se sont couchés dans la tombe heureux et triomphants[1]. » Comme l’illustre fondateur de Québec, Gauthier de la Vérendrie ambitionnait de découvrir de nouvelles contrées pour les livrer à la civilisation et y faire rayonner le flambeau de la Foi.

Joseph prévint aussitôt son frère aîné, François de la Vérendrie de la mort de leur père.

François reçut la triste nouvelle à Michilimakinac où il s’occupait de l’achat des approvisionnements des forts. Craignant d’être supplanté par les ambitieux dans les postes de l’ouest il se rendit en toute hâte à Montréal afin d’y faire valoir ses droits à la succession de son père. Mais tout avait été réglé autrement. Vers le milieu du mois de février 1750, le sieur Le Gardeur de Saint-Pierre avait été nommé en remplacement du père de Joseph pour le voyage projeté.

Quand les deux jeunes gens se présentèrent à M. de Saint-Pierre, ils n’en furent pas bien reçus, et celui-ci ne voulut prendre avec lui que M. de Noyelles.

Cela ne faisait point le compte des deux amis.

François de la Vérendrie avait usé de tous les moyens pour obtenir la direction de l’expédition, mais n’avait pu y réussir. On voulait garder à Montréal les trois fils de la Vérendrie, pendant que de Saint-Pierre serait là-bas dans l’ouest.

La saison s’avançait. François devait s’occuper des vivres et provisions et d’aller comme à l’ordinaire au rendez-vous marqué de ses engagés pour leur sauver la vie en les ravitaillant et recevoir les retours en pelleteries, sujets sans cette précaution à être pillées et abandonnées. Ce fut à grand’peine qu’il obtint la permission d’aller au-devant de ses gens, malgré M. de Saint-Pierre, et, seulement à des conditions et restrictions faites pour les derniers voyageurs. À peine François et Joseph étaient-ils partis que M. de Saint-Pierre se plaignit que ce départ avant le sien lui ferait un tort de plus de dix mille francs, et il accusa messieurs de la Vérendrie d’avoir chargé leur canot au-delà de la permission accordée. C’était une accusation fausse, faite pour nuire aux de la Vérendrie. On envoya à leur poursuite, mais François et son frère prirent une route plus courte, c’est à dire par le nord de Toronto et devancèrent les autres Français à Michilimakinac. M. de Noyelles se trouvait avec ces derniers.

Chaque printemps un nombre considérable de canots d’écorce partaient de Ville-Marie pour l’Ouest allant faire la traite des pelleteries avec les sauvages, mais il n’y avait eu jamais autant de monde sur la plage ou sur les quais de la ville pour voir partir ces immenses flottilles que le 5 juin, 1750, à l’occasion du départ de M. de Saint-Pierre et de ses gens, comprenant une compagnie des troupes de la marine, dont il était le capitaine.

Tout Montréal était sorti ; et, au bruit des acclamations de la foule les canots d’écorce s’élancèrent gaiement.

L’embarcation que montait M. de Noyelles était d’environ trente-quatre pieds de long, de trois pieds de profondeur et cinq de large ; elle portait une charge de la pesanteur de deux tonneaux, et avait pour équipage huit hommes, tous hardis nageurs.

Le tiers de la cargaison de chaque embarcation figurait en vivres pour les voyageurs : maïs, farine, etc. De Montréal au lac des

  1. Joseph Marmette et Benjamin Suite.