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je ne pouvais entendre ce qui se disait en dedans… et tu sais si je suis curieux ?

— Oui, et avec ta curiosité tu finiras mal !…

— Juge un peu de mon étonnement, mon vieux, quand de mon poste d’observation, je constatai que l’indien reprenait ses sens. Je croyais pourtant l’avoir à jamais privé du goût du pain. Il faut que j’entre, me dis-je, et que j’entende ce que l’on va se raconter ! Jouant d’audace, j’ouvris la porte de l’auberge et je me glissai dans la grande salle, aussi silencieusement que la couleuvre. J’y étais à peine que l’ouïe si fine du peau-rouge saisit ma présence, et il eut une crise.

Lors de ma visite à l’auberge, j’avais observé la disposition des pièces, et je me jetai comme un trait dans une autre chambre, où l’on n’eut pas l’idée de regarder. Peu après, j’écoutais parler le Mandane, qui dévoilait son secret à deux jeunes gens… et sais-tu qui ?

— Comment veux-tu que je le sache ?

— C’est-vrai. Eh bien ! c’étaient messieurs de la Vérendrie et de Noyelles.

— Est-ce vrai ?

— Parait que le Bison avait une amulette représentant un aigle noir, et que dans cette image était le secret.

— Ça se complique. Il devient plus difficile maintenant de mettre la main sur l’amulette.

— Peut-être que non, dit Brossard ; mais ouvre grandes tes oreilles, car c’est à partir d’ici que j’ai besoin de toi pour réussir.

VI

UNE SURPRISE

En route, Pierre demanda à Joseph s’il raconterait au juge tout ce qu’il savait concernant les confidences et le trépas du sauvage.

— Non, répondit Joseph. Le secret que m’a révélé le Bison m’appartient désormais, et je ne vois pas qu’il soit sage d’en parler. Il y en a trop qui voudrait en profiter.

— En effet, c’est bien ce que je pense. Mais il me vient une idée : c’est, qu’il serait plus prudent de prendre le contenu de l’amulette et de le laisser chez moi, n’emportant que le talisman chez monsieur le juge.

— Très bien ! Pour nous rendre chez ce monsieur nous passons à ta porte, et cela ne nous retardera guère d’entrer pour nous conformer à ton désir.

— Qui peut avoir donné nos noms au juge inquisiteur ? demanda Pierre.

— Oh ! probablement l’aubergiste.

— En effet, je n’y pensais pas.

Déjà la nouvelle du meurtre se répandait dans la ville, et les deux gentilshommes entendaient sur leur route, divers groupes commentant ce crime. Beaucoup se dirigeaient vers l’auberge de la rue Notre-Dame.

Le juge avait déjà visité la place et par égard pour messieurs de la Vérendrie et de Noyelles, au lieu de les faire appeler au Fusil d’Argent, lors du commencement de l’enquête, il les avait priés de se rendre à son bureau pour recevoir leur témoignage.

Ils n’eurent pas à attendre une minute quand ils se présentèrent chez le magistrat. Ce fonctionnaire était inconnu de Joseph qui avait vécu trop longtemps hors de Ville-Marie, mais tel n’était pas le cas pour Pierre. Les deux hommes échangèrent un salut amical.

— À mon regret, messieurs, dit le représentant de la justice, je suis obligé de vous déranger. Comme vous le savez, un crime a été commis : l’un des Mandanes, de passage dans nos murs, a été assassiné la nuit dernière. Ses confrères crient vengeance ! Ce sont des alliés que nous voulons conserver, et je suis chargé de découvrir le coupable et de le punir sévèrement. Je ne vous retiendrai pas longtemps ; nous allons procéder tout de suite.

Raffermissant ses lunettes sur son nez, il commença son interrogatoire, tandis que Maître Lanouiller, son clerc, inscrivait rapidement les réponses.

Il est inutile pour nous de reproduire le récit que Joseph et Pierre firent de ce meurtre.

Seulement, quand ils eurent terminé leurs dépositions, un évènement se produisit qui causa une grande surprise à tout le monde, excepté à Lanouiller.

On heurta à la porte du cabinet du juge et lorsque le greffier ouvrit, on lui remit un pli cacheté, que l’on venait de recevoir d’une main inconnue. Cette missive portait le nom du sieur Varin, sub-délégué de monsieur l’Intendant.

On comprendra facilement la stupéfaction de cet homme, en y lisant une accusation directe d’assassinat contre les sieurs Louis-Joseph de la Vérendrie et Pierre de Noyelles.

C’était bien cela ; on accusait ces deux messieurs d’avoir tué le sauvage Mandane.

Le juge ne pouvait en croire ses yeux, et il