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poissons. C’est ainsi qu’il se soutinrent jusqu’au printemps, quand la pêche fut plus aisée et plus abondante.

Les deux amis, de la Vérendrye et de Noyelles appartenaient à la troupe de M. de Niverville, et Pierre, en subissant ces dures privations, se disait souvent que tout n’est pas rose dans la vie d’un découvreur, et que, n’était la perspective dorée qu’il entrevoyait au loin, il aurait bientôt planté là l’expédition, et serait retourné à Ville-Marie.

Le capitaine de Saint-Pierre avait donné l’ordre à M. Niverville d’aller établir un fort à trois cents lieues plus haut que celui de Paskoyac.

Le 29 mai 1751, M. de Niverville fit partir dix hommes, en deux canots, puis remontèrent la rivière Paskoyac[1].

Ces embarcations étaient commandées par M. de la Vérendrye, qui avait pour lieutenant, M. de Noyelles.

M. de Niverville devait partir un mois plus tard pour les rejoindre aux Montagnes-Rocheuses, mais la maladie le retint au fort Paskoyac.

Joseph et Pierre jubilaient et dans leur for intérieur remerciaient sincèrement la Divine Providence qui favorisait si visiblement leur projet. On leur donnait huit hommes bien armés, et deux canots chargés de vivres et de présents pour se rendre favorables les sauvages farouches qui barraient la route.

Enfin, on saurait donc ce qu’il y avait de vrai dans toute cette histoire du pauvre Bison !

C’est ce que pensaient les inséparables amis, au moment du départ de Paskoyac pour l’inconnu. C’est aussi le sentiment qui animait l’un des huit hommes donnés à Joseph.

Cet homme s’était attaché aux pas de Pierre, depuis Montréal, et ne l’avait jamais perdu de vue.

Le lecteur devine quel est ce personnage, qui porte sur un œil un petit morceau de cuir, comme si cet œil était malade.

Ajoutons que ce morceau de cuir avait été posé quelques jours avant le départ pour l’Ouest, à Ville-Marie, afin de cacher au regard observateur de M. de Noyelles un œil, un seul, qui louchait beaucoup, tandis que l’autre était bon.

C’était bien l’homme que le Bison voulait désigner par ce nom étrange de l’Œil Croche.


VIII

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Les deux canots montés par les Français, après un voyage de dix à douze jours, atterrissent, un matin, sur la plage en face du Fort à la Corne, érigé dans un voyage antérieur par l’un des fils de M. de

  1. Journal de M. de Saint-Pierre. Il désigne par ce nom, je crois, la rivière Saskatchewan