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EN ROUTE POUR LE NORD-OUEST

— Tout de même, se disait son clerc, c’est une curiosité singulière qu’a monsieur le juge ; mais si je mets la main sur le secret de l’amulette, la curiosité du juge ne sera pas de longtemps satisfaite !… Ah ! que ne ferait-on pas pour ce vil métal ! Allons trouver Brassard, qui doit sécher d’impatience de connaître ce qui s’est passé.


VII

EN ROUTE POUR LE NORD-OUEST


On comprendra facilement toutes les réflexions qui se présentèrent à l’esprit des deux amis, quand ils s’en retournèrent après leur entrevue avec le juge. Cette lettre mystérieuse les occupait entièrement.

— Elle est de l’auteur du crime, sans doute, disait Joseph.

— Je le crois, répondait Pierre. Quel être sait quelque chose du secret de l’amulette, sinon l’assassin ?

— Je me rappelle, reprenait Joseph, que le Bison, au milieu de ses confidences, s’arrêta, prêtant l’oreille à un bruit imperceptible pour nous, dont l’ouïe n’est pas aussi exercée, disant que son ennemi était dans la pièce voisine… T’en souviens-tu ?…

— Oui, et je crois que si nous avions examiné toute la maison, nous aurions peut-être trouvé le coupable…

— Que nous a dit le sauvage mourant ? demanda de Noyelles, d’avoir à nous méfier d’un… d’un…

— Arrête ! dit Joseph, c’est un drôle de nom, comme les indiens seuls savent en donner, dans leur langage figuré… c’est… l’Œil-croche !

— Eh bien ! ne serait-ce pas là un indice ?… Vague, si tu veux, mais c’est toujours quelque chose !

— Oui, c’est quelque chose, quoique bien peu !… Par Œil-croche, le vieux Mandane a voulu dire : louche, et les personnes qui louchent, tout en n’étant pas très répandues dans la colonie, se voient assez souvent pour que notre piste soit difficile à relever.

— Qui sait ? dit Pierre. Œil-croche ne signifie qu’un œil affecté par le strabisme, et c’est plus rare que deux. Dans tous les cas, il faudra d’abord étudier nos cartes, et les brûler, et cela aussitôt que possible. De la sorte, notre secret ne pourra pas tomber entre des mains étrangères.

Joseph approuva ce propos.

Mais un événement triste et douloureux vint, à quelques jours de là, changer tout à fait le courant des idées du pauvre garçon, ainsi que de son parent, Pierre de Noyelles…

Le père de M. Joseph de la Vérendrye ; celui qui, avec une indomptable énergie et au sein de difficultés et de dangers sans nombre avait ouvert l’Ouest Canadien au flambeau de la civilisation,