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UNE PAIRE DE COQUINS

« Je compris immédiatement que l’Indien connaissait l’endroit d’une mine d’or, et je résolus, si possible, de me rendre maître de son secret… Je fis semblant de douter de ses paroles. Cette ruse eut son effet ; il se fâcha de mon manque de foi à son égard.

— Le Bison n’a pas la langue fourchue, me dit-il, il dit vrai, et pourrait prouver, confondre le visage pâle…

— Voyons-les donc ces preuves, dis-je en ricanant, mais le vieux chef avait éventé mon stratagème, et après cela, je n’ai pu lui tirer une parole du corps sur ce sujet.

« Néanmoins, je ne me tins pas pour battu.

« Je voulus avoir ces preuves que le bonhomme pouvait produire — cela devait être un écrit — et, je m’attachai à mon sauvage. Je simulai un vif regret d’avoir douté de ses paroles ; je fis le bon ami, et j’allai jusqu’à lui prêter une couple de louis d’or. Enfin, je parvins à endormir sa méfiance, et le soir venu, notre amitié s’était resserrée, et nous buvions ferme ensemble. Cela se passait au Fusil d’Argent sur la rue Notre-Dame…

— Une bonne place, fit Lanouiller.

— Vint la nuit ; il fallut sortir.

Je laissai partir le Bison, mais j’étais sur ses talons. À peine étions-nous dehors que, m’assurant qu’il n’y avait personne venant de notre côté, je lui enfonçai mon couteau trois ou quatre fois dans le corps. La dernière fois, j’ai dû y laisser mon arme qui s’était fixée solidement dans la carcasse du sauvage… Mais elle ne sera pas un indice accusateur. Je fouillai le vieux et je repris d’abord mes jaunets ; il fallait bien rendre à César, ce qui était à César… et c’est tout ce que je pus trouver sur lui…

— Mais, alors ?

— Minute ! mon cher !… J’avais fini ma besogne, et je contemplais ma victime avec colère.

« Vieille peau-rouge, lui disais-je, j’ai bien envie de te donner des coups de pieds… de m’avoir poussé à te mettre dans cet état inutilement… Pourquoi m’as-tu dit que tu avais des preuves ?… Mais, soudain je pensai qu’à l’auberge où le Bison logeait, parmi ses effets — s’il en avait — j’aurais peut-être la clef du mystère.

« À ce moment, mon oreille perçut des bruits de pas se rapprochant.

« Je me blottis dans la porte cochère voisine. Elle était profonde ; et, caché dans l’un de ses angles obscurs, je vis quatre hommes s’arrêter autour du Mandane avec des exclamations d’horreur.

« Ces bonnes gens, fit-il en ricanant, ramassèrent la forme inanimée et la portèrent à l’auberge que nous venions de quitter.

« La curiosité me retint sur les lieux, et bien m’en prît.

— Ah ! pour le secret ? fit l’ami de Brossard. Celui-ci hocha la tête en signe affirmatif, mais avant de continuer son récit se versa une large rasade.

— Cinq minutes après que ces hommes eurent disparu derrière la porte publique de l’auberge, je m’en approchai, et je collai mon œil contre une fente de l’un des volets ; je vis qu’on avait déposé le mo-