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L’HISTOIRE DU BISON

— À l’assemblée des chefs qui eut lieu, et après des harangues pour ou contre, le Bison fit accepter son projet et l’Aigle Noir fut proclamé le premier guerrier de la tribu.

Cinq jours plus tard, l’aîné des deux frères, se présentait devant le chef blanc qui habitait une bourgade fortifiée sur la rivière des Assinibouëls[1].

Les Français firent bon accueil au Bison ; et le guerrier Mandane fit partie de tous leurs voyages dans l’ouest.

Il y a sept printemps, j’accompagnai tes deux frères, et deux voyageurs blancs, dans un voyage qu’ils firent jusqu’aux montagnes brillantes[2].

Ils se rendirent d’abord à la tribu des Mandanes pour avoir quelques guides. C’est le Bison qui les choisit : il connaissait les meilleurs hommes de la bourgade pour les visages-pâles. Le Bison ne revit pas alors l’Aigle Noir, qui chassait au nord.

Notre marche fut longue et pénible.

— Approchez-vous davantage, dit-il, après un second repos ; j’arrive à mon secret et je veux que vos oreilles seules entendent mes paroles.

Il se recueillit un instant et continua :

— Les montagnes brillantes avaient arrêté notre marche. Elles semblaient infranchissables, et, après une halte de quelques semaines à leur base, nous leur tournions le dos et revenions sur nos pas.

Durant notre séjour au pied des Montagnes de Roches, voici le fait qui s’accomplit : Deux guerriers visages-pâles, l’Œil Croche et la Grande Barbe, étaient amis comme les doigts de la main ; ils étaient presque inséparables : soit en marche, soit en canot ou à la chasse. Un jour, l’un d’eux, celui qui a fait le mal au Bison, fut obligé de rester au camp, pendant que les autres s’en allèrent à la chasse.

Le soir, au repas, le chef sauvage remarqua une certaine gêne entre les deux amis, et plus particulièrement dans les manières de celui qui nous avait accompagnés. C’était singulier. Le lendemain et le jour suivant, le Bison constata plus de réserve encore entre les deux camarades. Intrigué, il résolut d’en avoir le cœur net. L’Œil Croche voulait toujours suivre la Grande Barbe, mais ce dernier n’avait plus le même désir qu’auparavant, d’avoir son ami avec lui… surtout quand nous allions à la chasse… et lui, Grande Barbe y allait fréquemment… et revenait toujours sans gibier quoiqu’il eût l’air fatigué, rompu.

— Suivons-le, dit le Bison. Le sauvage est habile à suivre une piste ou à marcher sur les pas d’un autre dans le bois, sans se faire entendre, mais cette fois-ci le visage pâle disparut et ne laissa pas de traces pour aider à le retrouver.

Enfin, le Mandane, pensant qu’il était temps de retourner au camp, rebroussa chemin, mais parcourut à peine la distance qu’une pierre ferait, lancée en trois fois, par un homme, quand il s’embarrassa

  1. Le fort la Reine.
  2. Pierre et François, qui atteignirent les Monts de Roches le 1er janvier.