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L’HISTOIRE DU BISON

secret qu’on a essayé de lui ravir !… Un méchant visage-pâle connaissant le maudit goût du peau-rouge pour l’eau de-feu… en fit boire beaucoup au Bison, espérant que sous l’empire de la liqueur brûlante, il dévoilerait les cachettes de son esprit… Mais le chef s’est aperçu à temps du projet du méchant blanc qui se disait ami, et le chef est devenu muet comme un poisson !… En sortant de l’auberge… il faisait noir, et le Mandane n’a pas remarqué le blanc qui le suivait, et qui s’approchant à pas de loup le frappa avec un grand couteau !…

« Ensuite, vaguement, le Bison a senti que le traître fouillait dans ses habits… mais il n’a pu trouver le secret… Ma main s’en est assurée tout à l’heure… Le sauvage le dira à son ami, et celui-ci aura de l’or !… beaucoup !… beaucoup !…

— Tu sais où il y a de l’or ? demandèrent les jeunes gens, vivement intéressés.

— Oui… gros morceaux d’or !… Ah ! le frère blanc deviendra riche !…

Le peau-rouge s’arrêta subitement ; on venait de frapper dehors.

C’était le religieux qui répondait à l’appel et venait préparer à une bonne mort celui qui le réclamait.

Joseph et Pierre se retirèrent dans la pièce attenante, pendant que le prêtre demeurait avec le Bison.


III

L’HISTOIRE DU BISON


L’indien accueillit le Sulpicien avec joie.

— Vois, robe noire, dit-il, où le mauvais visage pâle et l’eau-de-feu ont conduit le vieux guerrier de la nation des Mandanes. Le chef sauvage a déjà entendu ton frère lui parler du Grand Esprit des blancs, et son front a reçu l’eau qui efface le mal, mais depuis, le Bison n’a pas été bien bon… il n’a pas pratiqué ce que lui enseignait le fils du bon manitou… Mais la mort vient vite pour enlever le vieux peau-rouge ; il s’est rappelé les bonnes paroles de jadis, et il veut encore entendre le langage bienfaisant d’autrefois.

Le tête-à-tête entre le mourant et le ministre de Dieu dura peut-être vingt à vingt-cinq minutes. Le prêtre le prépara à subir chrétiennement la fin qui s’approchait.

Plus calme, plus affermi par l’effet des paroles divines, le Mandane attendit, résigné, que Dieu rappelât son âme de ce monde. Mais il n’avait pas terminé ses confidences au cadet de la Vérendrye ; le plus important de ce qu’il voulait lui communiquer restait à dire, et, comme l’ange de la mort le couvrait déjà de ses ailes, il devenait urgent pour lui de se presser. Il pria le prêtre de faire rentrer les deux Canadiens.

Quand ceux-ci furent près de lui et que le Sulpicien fut parti, en