Page:Roy - Le cadet de la Vérendrye, 1897.djvu/10

Cette page a été validée par deux contributeurs.
6
LE VIEUX CHEF DES MANDANES

— Qu’y a-t-il ? demandèrent ensemble les deux amis, hâtant le pas et rejoignant leurs éclaireurs.

— M’sieu, répondit Baptiste, en allongeant le bras gauche et indiquant à deux ou trois pas en avant une masse sombre sur le sol, voyez, là ! un crime a été commis, un meurtre !… Nous avons cru voir du sang !

— Approche avec ta lanterne que nous nous en assurions. Peut-être n’est-ce qu’un amant de la bouteille qui gît là, inanimé.

— Non, regarde, dit M. de Noyelles à Joseph. Vois, ce sang qui coule de l’un des côtés de ce malheureux !… Et tiens ! le couteau qui a servi au forfait est encore enfoncé dans le corps de cet homme !

À ce moment, on entendit une faible plainte s’échapper des lèvres du blessé.

— Il vit ! s’écria-t-on.

M. de la Vérendrye s’était emparé d’une des lanternes, et, s’approchant de la personne étendue sans mouvement sur le sol, il la reconnut.

— Eh ! je le connais bien, dit-il, surpris. C’est le vieux chef Mandane, le Bison, qui nous a suivis dans une partie de nos explorations. Puisqu’il vit encore, il faut l’enlever d’ici, où il trépasserait bien vite.

— Il y a une auberge à deux mètres d’ici, dit Jacques ; si nous le transportions là ?

— C’est ça, dit Pierre de Noyelles. Toi et Baptiste, allez frapper à cette maison et faites nous ouvrir ! puis, vous reviendrez nous aider à le porter chez cet aubergiste.

Ceci s’exécuta promptement, et la victime trouvée dans la rue fut placée sur un lit dans l’auberge.

Aussitôt une ombre se détacha d’une porte cochère voisine et s’approcha avec précaution de la maison où venait d’entrer le petit groupe. L’ombre vint s’appuyer contre l’un des volets fermés de l’auberge et, à travers les fentes, chercha à voir ce qui se passait à l’intérieur.


II

LE VIEUX CHEF DES MANDANES


Après avoir fait mettre le vieux sauvage sur un lit, M. de la Vérendrye envoya Baptiste quérir, au plus vite un médecin, afin de savoir si le blessé était frappé mortellement. La justice serait mise au courant de l’affaire, le matin même, car une nouvelle journée commençait, minuit étant sonné au coucou de la chambre de l’auberge.

On avait porté le Mandane dans une pièce du rez-de-chaussée ; il était impossible de le monter à l’étage supérieur ; l’escalier étant trop étroit, et dans la condition du pauvre peau-rouge, cela ne pouvait être que dangereux.

M. de la Vérendrye avait dit :