Page:Roy - La main de fer, 1931.djvu/55

Cette page a été validée par deux contributeurs.
53
LA MAIN DE FER

un bois. Quand Tonty le retrouve c’est pour apprendre qu’en traversant un cours d’eau il y avait échappé le sac de poudre. Il n’en restait plus qu’une poignée, et, leur condition s’aggravait. Cependant, Tonty, l’homme à la main-de-fer avait une âme aussi fortement trempée, et il passa de village indien à village sauvage, persévérant, toujours à la recherche des hommes de La Salle. Enfin, il connut dans l’une de ces places, leur triste fin. Il était alors à deux cent cinquante milles de l’endroit qu’avait choisi De la Salle pour l’établissement d’un poste, et à trois jours de marche du lieu où gisaient sans sépulture les restes du Découvreur.

Malgré lui, l’intrépide Tonty dut abandonner son entreprise : les sauvages refusaient de lui fournir des guides et il n’avait plus de munition.

Pour se rendre au Mississippi, ce fut une série incessante de misères, de souffrances. Le trajet dura du premier jour de mai au onze juillet. C’était la saison des pluies ; si bien, que la contrée fut bientôt inondée. Quand il parvînt au village des Coroas, où il fut bien reçu, Tonty n’avait pas mangé depuis trois jours. Au cours de ce voyage il tomba malade de la fièvre, et ce n’est qu’avec peine qu’il réussit à rentrer au fort Saint-Louis, en septembre 1690.

Tonty demeura là dix ans. Il essaya plusieurs fois, mais sans succès, à intéresser le Ministre en France, à la réalisation des plans de son ancien chef. Il est le seul homme de l’époque qui prévoyait les vastes ressources de cet empire inconnu. Malgré l’indifférence décourageante de la Cour vis-à-vis les projets qu’il recommandait, il s’employa, avec sa petite garnison, à conserver à la France, le fort Saint-Louis, point stratégique pour tenir en mains les sauvages à l’ouest du lac Michigan.

Cependant, après le décès de Frontenac en 1698, son protecteur, Tonty fut forcé par un ordre du roi d’abandonner son poste. Apprenant alors que d’Iberville avait mission de fonder une colonie dans la Louisiane, il alla lui offrir ses services. Pendant quatre ans, il vécut avec lui et Lemoyne de Bienville et contribua pour beaucoup à concilier aux Français les nations indiennes de ce pays.

En 1704, un navire chargé de vivres, venant de la Havane, apporta aussi la contagion redoutable de la fièvre jaune. Presque tout l’équipage succomba. La plus grande partie des colons subit aussi les effets de cette terrible maladie. Dans cette calamité publique, Tonty ne s’épargna pas : il soignait les vivants ; aidait à mettre les morts en terre. Enfin, il succomba à son tour et fut inhumé au fort Biloxi. L’endroit précis de sa sépulture n’est pas connu.

Un jour, peut-être, sur l’étroite péninsule du vieux Biloxi, le soc d’une charrue ou la pioche d’un terrassier mettra au jour un squelette ayant une main-de-fer.

FIN