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LA MAIN DE FER

Le chef de cette tribu avait été averti de l’escarmouche du bas du fleuve, et lorsque De la Salle débarqua pour aller à ce village, il vint au-devant de lui. De la Salle lui offrit les chevelures apportées de Quinipisas. En les acceptant, le Natchez annonça que la nouvelle de sa victoire lui était déjà parvenue.

De la Salle en témoigna sa surprise, et un soupçon lui vînt que peut-être les Natchez tenteraient de se venger de la défaite de leurs congénères du bas Mississippi.

— Le Natchez bon coureur… va vite comme le cerf qui fuit, dit le chef. Nos jeunes braves ont passé à Quinipisas quand le visage-pâle faisait sortir la foudre de ses tubes de fer, qu’il porte toujours avec lui… Ils m’en ont averti aussitôt !…

Les blancs montèrent au village des Natchez armés et prêts à se défendre bravement à la moindre alerte.

Arrivés au village, les Français remarquèrent tout de suite, l’absence de la gente féminine. Ceci confirma De la Salle dans son soupçon d’une intrigue pour les attirer dans un guet-apens. Il n’eut aucun doute de leur mauvais dessein, quand tout à coup, environ quinze cents guerriers entourèrent la bande des Français. Ils poussaient des clameurs terribles ; le chef des Natchez s’empressa de dire que c’était la marque de plaisir de recevoir les blancs.

Les Français demandèrent à manger. On les servit, mais craignant une surprise, ils prirent ce repas leur mousquet à la main.

Les Natchez redoutaient les armes à feu et n’osèrent attaquer, tant que leurs hôtes ne se départissaient pas de leur réserve.

Enfin, le chef à peau-rouge pria De la Salle de s’en aller parce que ses jeunes gens n’avaient pas d’esprit.

La partie n’était pas égale : mesurer vingt-trois Français et quelques sauvages alliés contre quinze cents Natchez, était téméraire, aussi profitant de l’avis donné, l’on se retira.

La retraite eut lieu en bon ordre, et les embarcations des blancs s’éloignèrent bien vite de ces rives dangereuses.

Un meilleur accueil attendait nos explorateurs au pays des Taensas ainsi que chez les Arkansas.

Ce caractère imposant, arbitraire et dur de M. de la Salle, une fois le danger disparu, lui suscita des ennemis parmi ses engagés. En arrivant au fort Prudhomme, il tomba malade gravement. Était-ce encore l’effet d’un toxique ? Il le crut ! Les symptômes de sa maladie l’indiquaient. Pour ne pas semer le trouble dans son personnel il déclara être atteint de fièvre occasionnée par les fatigues endurées, par les privations et les veillées du voyage, et les difficultés sans nombre rencontrées et surmontées.

Il fit prendre les devants à Tonty avec cinq hommes pour aller arranger ses affaires à Michilimakinac.

À l’embouchure de la rivière Auabache, Tonty rejoignit quatre Iroquois en canot. Ils lui dirent que cent de leurs gens venaient en arrière. Ceci ne faisait point l’affaire de notre héros ; il pensait toujours aux deux bandits et aux Iroquois qu’ils dirigeaient. Il savait bien le sort cruel qu’on lui réservait, et il ne pouvait dans le cas présent avec ses cinq compagnons, que songer à éviter une rencontre qui lui serait funeste.

À vingt lieues du pays des Tamaroas, il abandonna les quatre Iroquois.

Dans le cours de la journée, il aperçut, à l’horizon, de la fumée. Croyant que c’étaient des Iroquois, il fit apprêter les armes à ses gens et poussa audacieusement en avant.

En approchant du lieu d’où s’échappait la fumée, il découvrit des pirogues cachées dans les hautes herbes, au bord de l’eau. Cela lui fit croire qu’il rencontrerait des Illinois ou des Tamaroas. Ce furent des Tamaroas.

Dès qu’ils l’aperçurent, ils sortirent du bois en grand nombre pour l’attaquer, prenant les Français pour des Iroquois. Tonty leur présenta le calumet. Ils s’adoucirent et mirent bas les armes et le conduisirent à leur village sans lui faire aucun mal.

Le teint des Français était bronzé, semblable aux peaux-rouges ; leurs habits fabriqués de peau de daim, offraient quelque similitude avec les accoutrements de ces barbares, mais leur physionomie n’avait pas ce cachet caractéristique des Indiens de l’Amérique : front fuyant et pommettes saillantes.

Pourtant les Tamaroas, les prenant toujours pour des Iroquois délibérèrent et résolurent de les brûler, mais quelques Illinois survinrent, et l’un d’eux ayant reconnu Main-de-Fer, parla en sa faveur et obtint son élargissement et celui de ses hommes.

De Tonty franchit, sans autre incident, la distance qui le séparait de Chicagou et de Michilimakinac, où il entrait à la mi-juillet. Il y prit un repos bien mérité en attendant