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LA MAIN DE FER

grimper sur l’arbre, je l’avais sans doute perdu. Comme je n’avais pas à redouter l’ascension du porc sauvage, je crus préférable d'arranger mon gîte pour la nuit. Je liai et j’entrelaçai les branches autour de moi et je m’improvisai un hamac plus confortable pour reposer, que ma position des nuits précédentes.

Puis, m’étant encore assuré contre l’éventualité d’une chute, en m’attachant, fatigué comme je l’étais, je m’endormis bientôt.

Le lendemain, en m’éveillant, j’aperçus encore mon sanglier faisant le guet. J’étais pris !

— Ah ! si j’avais du feu, me disais-je, comme je lui ferais vite son compte !

Et puis, je pensais :

— Est-ce qu’il ne se lassera pas d’attendre, l’animal ?

Il semblait bien déterminé à attendre mon retour sur la terre ferme. Dans sa cervelle de sanglier ceci ne formait qu’une question de temps.

Je devais donc aviser à quelques moyens de me débarrasser de cet obstacle vivant, mais lequel ?… En me penchant pour examiner le terrain autour de moi, ma coiffure — un bonnet de peau de castor — tomba. Le sanglier se précipita dessus, le déchira à pleines dents et le piétina. En suivant du regard la méchanceté très manifeste de la bête hirsute, je reconnus avec bonheur, dans l’herbe au-dessous de moi, mon briquet. Mais comment le ravoir ? Descendre le quérir, c’était consentir à une lutte, un combat risqué avec le sanglier ? Je préférais un autre moyen !

J’enlevai ma chemise, et la découpant en longues lanières, j’en tressai une corde, laquelle déroulée, touchait au sol. Je fis un nœud coulant à l’un des bouts pour pêcher mon briquet.

Afin d’attirer l’attention de mon assiégeant ailleurs que sur mon filet, je lui jetai ma tunique. Il se disposa, irrité, à lui infliger le même sort qu’à mon couvre-chef. Et moi, durant ce temps-là, je pêchais au briquet. Après trois ou quatre essais infructueux, je parvins à l’attraper ; je tirai sur la corde, sans précipitation, sans secousse, et j’eus la joie d’enlever mon briquet.

Alors, en moins de temps que cela ne prend de le dire j’avais fabriqué une mèche d’un morceau de toile et je l’allumai, et mettant en joue, blessais mortellement du premier coup mon ennemi, que j’achevai à coup de pierres et de bâton aussitôt descendu de l’arbre.

Je fis du feu, immédiatement, et je mangeai une tranche grillée du farouche animal. J’en accommodai plusieurs morceaux que j’emportai avec moi, en reprenant ma marche errante.

Je m’en allai ainsi les deux jours suivants.

Le sixième jour de mon absence dans les bois, je découvris des pistes fraîches de Sauvages. Sans réfléchir où cela me conduirait ou si cela m’éloignerait davantage de vous, je résolus de les suivre. Je n’avais plus qu’un petit morceau de viande, et j’aimais autant risquer ma vie entre les mains de ces inconnus que de périr de faim, de froid ou du fait des bêtes sauvages dans les bois.

Je marchai tout le jour. Le soir, j'arrivai à un endroit sur le bord d’une grande rivière — je crois que c’est celle où nous naviguons maintenant — quelqu’un s’y était arrêté depuis peu. Je trouve auprès du foyer éteint, une cabane faite de branchages. J’y entre : elle est déserte. Alors, je m’y installai et j’y passai la nuit sur une couche de rameaux et de mousse. Un profond sommeil réparateur raffermit mes forces ébranlées.

Je repartis avec plus de courage le lendemain et je marchai bravement tout le jour, n’ayant pour me sustenter en ces vingt-quatre heures que quelques racines de plantes, cueillies le long de ma route. Au déclin du soleil, j’eus la bonne fortune de trouver une autre hutte façonnée de branches comme celle de la veille. J’y pris place pour la nuit. J’examinai la place et tout me porta à croire que je serais avec ceux qui me devançaient, le lendemain.

Plein de confiance que j’allais sortir de mon embarras, je cherchai du repos, et je dormis d’un trait jusqu’au matin.

Mon déjeuner fut frugal : un peu d’eau et un cran de plus à ma ceinture, et… en route !

Vous comprenez, qu’épuisé comme je l’étais, j’eus à me reposer souvent.

Vers le midi, je remarquai que les traces devant moi devenaient plus fraîches. J’usai donc d’une plus grande précaution à mesure que j'avançais, mais je ne rencontrai rien de suspect.

Le soir, je débouchai en vue d'un campement qui semblait occupé, mais après un coup d’œil, ne voyant personne s’y mouvoir, je me dis que peut-être on avait évacué l’en-