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LA MAIN DE FER

foudroyante sur la tête de l’assaillant et le renverse sans connaissance.

Le cercle s’élargit aussitôt autour de Tonty, et les Iroquois reconnaissent celui dont ils ont entendu parler.

— La Main-de-fer ! disent-ils, la Main-de-Fer !

On conduit Tonty au milieu du camp et on l’interroge au sujet de sa présence chez les Illinois.

— Guerriers renommés, leur dit Tonty, sachez que les Illinois sont sous la protection d’Ononthio. Je suis surpris que vous ayez l’intention de rompre avec ses enfants, et je vous conseillerais plutôt de faire la paix.

Pendant ces pourparlers, l’escarmouche avait lieu de part et d’autre. Les Tsonnontouans étaient indécis de ce qu’ils feraient de Tonty, quand un combattant vint dire que leur aile gauche pliait et qu’on avait remarqué des Français parmi les Illinois. À cette nouvelle, les Iroquois s’emportèrent et ils délibérèrent sur le sort qu’ils lui feraient. Tandis que les Sauvages discutaient de la sorte, un guerrier soulevait d’une main les cheveux de Tonty, et de l’autre armée d’un couteau, s’apprêtait sur un signe des chefs à scalper notre héros. Tégancouti, chef des Tsonnontouans, voulait que Tonty fût brûlé, et Agoustôt, ami de De la Salle, opinait pour sa délivrance. Il l’emporta, et, en le renvoyant, pour mieux tromper les Illinois, ils décidèrent de donner un collier à Tonty. Celui-ci rejoignit ses amis, très épuisé à cause du sang perdu par sa plaie et de celui qu’il expectorait. Les RR. PP. de la Ribourde et Membré le cherchaient et le rencontrèrent en chemin ; ils craignaient que les Sauvages ne l’eussent tué.

Le chevalier rapporta aux Illinois le résultat de sa démarche et leur recommanda de ne pas trop se fier aux sentiments de l’ennemi. Là-dessus, ils se retirèrent dans leur village, mais les Iroquois qui s’étaient formés en bataille, accoururent. À cette vue, faisant encore bonne contenance, les alliés de Tonty se replient à un endroit situé à trois lieues de là, où les femmes et les enfants se cachaient.

Tonty, les Récollets et les deux Français restèrent au village. Les ennemis y pénètrent et bientôt se construisent un fort et assignent aux blancs une cabane sise à quelque distance de là.

De bonne heure le lendemain, un sauvage passa à l’entrée de la cabane des Français, et, sans avoir l’air de s’adresser à eux particulièrement, prononça ces mots :

— Braves fils d’Ononthio !… moi, sauvage Abénaki adopté par Tsonnontouans !… Je suis ami des Français !… Faites attention ! Ne sortez pas !… Deux mauvais Français veulent votre vie… Je vous apporterai à manger tout à l’heure…

Et avant que Tonty fût revenu de sa surprise, l’Abénaki s’était éloigné.

Les amis du chevalier entendirent aussi les paroles du sauvage, et leur étonnement égalait celui de leur chef.

Il n’y avait qu’une chose à faire : attendre le retour du Peau-Rouge. C’est ce que l’on fit.

Quelques heures s’écoulèrent qui parurent fort longues aux pauvres gens.

Enfin l’Abénaki revint, apportant un plat rempli de blé-d’inde et d’un morceau de buffle grillé.

Les visages-pâles n’avaient rien pris depuis la veille, et cet aliment les ranima beaucoup.

Pendant qu’ils mangeaient, le sauvage raconta en substance ce qui suit :

Par hasard, il avait surpris un fragment de conversation entre deux hommes dont les traits étaient peints à la façon des nations indigènes, lorsqu’elles ont déterré la hache de guerre. Ces hommes alors au nouveau fort des Iroquois avaient revêtu des accoutrements en conformité du milieu qu’ils fréquentaient. Leurs conseils inspirèrent les Iroquois à venir jusqu’aux Illinois. Ils avaient promis un riche butin et beaucoup de chevelures, à condition qu’on leur réservât les vies du capitaine et du lieutenant des Français. Cette proposition attrayante fut acceptée, quoique les Iroquois se gardassent in petto le droit de susciter des embarras au couple de coquins, après le pillage des biens des Français.

Mais la découverte du fort Crèvecœur en ruine modifia considérablement leurs intentions vis-à-vis Tonty.

L’Abénaki partit en promettant de revenir le soir.

Dans l’après-midi, les Illinois reparurent sur les coteaux environnants ; en les apercevant, les Iroquois crurent que les Français avaient eu quelques pourparlers ensemble, et se firent amener Tonty devant eux.

À leur demande, il consentit à passer aux Illinois pour les engager à venir traiter de