Page:Roy - La main de fer, 1931.djvu/36

Cette page a été validée par deux contributeurs.
34
LA MAIN DE FER

ses. Ces ombres provenaient des vacillations de la flamme d’un grand foyer, et de l’inégalité des murs environnants.

Il avança sur la pointe du pied, son couteau à la main prêt à frapper, restant toujours dans la partie obscure du souterrain. Il mit la tête dans la pièce éclairée par le feu… Il n’y avait personne. Avisant alors une autre issue en face de lui, il s’y dirigea à la course, mais une vision à sa droite le cloua au milieu de la grotte.

Adossée au mur une jeune femme d’une angélique beauté le regardait. Elle était toute vêtue de blanc, et ses traits respiraient la douceur, la bonté.

Luigi crut à une apparition de la Vierge !

Muet de saisissement, il tomba à genoux, les mains jointes dans un geste implorant protection.

La vision semblait lui sourire.

Un bruit presque imperceptible, exactement à ce moment, le surprit. Il tourna vivement la tête. Un homme armé d’une hache se préparait à lui en asséner un coup fatal.

Luigi se releva d’un bond et par ce fait se trouva en pleine lumière. Il s’écria :

— Jolicœur !

L’interpellé eut un soubresaut et regarda Luigi plus attentivement.

— Luigi ?… dit-il.

— Comment se fait-il que je te retrouve ici, reprit le premier ; je te croyais chez les Iroquois ?

— L’histoire sera pour tout à l’heure !… Mais toi, comment te trouves-tu dans cette grotte, dans ces parages ?

— L’entente dure toujours entre nous, n’est-ce pas ?

— Toujours !

— Eh bien ! je suis à la veille de réaliser ma vengeance. Tu m’aides !… et je te donne main forte, à mon tour.

— Mort à Tonty !

— Et au seigneur de Cataracouy !

— Mais cette dame au tableau ? dit tout à coup, Luigi.

— C’est une image qu’un coureur de bois à empruntée à la chapelle de Michilimakinac et que je lui ai empruntée à mon tour. J’ai idée que j’en tirerai quelque chose… Elle était toute mouillée… et je l’ai mise là, déroulée devant ce feu pour la faire sécher !…


CHAPITRE X

CRÈVECŒUR


De la Salle ayant relâché la barque pour aller à Niagara, chercher les choses qui lui étaient nécessaires, s’embarqua dans des canots et continua sa route jusqu’à la rivière des Miamis (St-Joseph) côtoyant en chemin la rive occidentale du lac des Illinois.

De Tonty avait rendez-vous à cette rivière lorsqu’il aurait rattrapé les déserteurs enfuis du côté du Sault-Sainte-Marie.

De la Salle fut le premier au rendez-vous et s’occupa dès son arrivée d’y bâtir une maison. Il en était encore à cet ouvrage, lorsqu’un matin Tonty se présenta seul devant lui.

— Comment ! vous êtes seul, s’écria De la Salle, surpris.

— J’ai laissé mes hommes en arrière, dit Tonty. Ils sont à trente lieues d’ici, et chassent pour obtenir des vivres qui nous ont manqué complètement. Alors que nous voguions d’une bonne allure sur le lac, le vent s’est renforcé subitement, nous contraignant de gagner terre ; les vagues étaient si grosses qu’à une encablure du rivage nos canots chavirèrent.

Nous nous sauvâmes mais les embarcations et leur contenu : victuailles, etc., furent perdus ; trois jours durant nous avons vécu de glands trouvés dans les bois. Mes gens font la chasse, mais au moment de mon départ pour prendre les devants, aucun gibier n’avait apparu à portée de fusil. Ma troupe chemine si lentement que j’ai cru plus expéditif de les précéder ici pour être secouru.

— Mais pendant votre absence nos déserteurs vont reprendre la clef des champs !

— Où pourront-ils aller sans provisions ?

— En tous cas, mon cher chevalier, ce n’est guère prudent ; j’aurais souhaité que tout le monde vînt avec vous !… Veuillez retourner auprès d’eux, sans délai, et les amener ici !… Avez-vous eu des nouvelles du « Griffon » ?

— Aucune.

— Qu’augurer de cela ?

— Rien de bon assurément. Mais être sans nouvelle est préférable à en avoir de mauvaises !

Tonty revint au bout de quelques jours, et, De la Salle ayant réuni tout son monde, leva le camp et remonta la rivière des Miamis à une distance de vingt-cinq lieues, jusqu’au