Page:Roy - La main de fer, 1931.djvu/34

Cette page a été validée par deux contributeurs.
32
LA MAIN DE FER

et, à la mode d’un bélier, battit les flancs du vaisseau, menaçant à chaque coup de l’entr’ouvrir.

Luigi, néanmoins, imita ce moyen de sauvetage, sur le côté opposé du navire, avec ce résultat, qu’au lieu de le renvoyer se heurter contre l’épave, l’action de la tempête le dirigea sur terre que l’on entrevoyait comme une masse sombre à un quart de mille. Une lueur d’espérance se ralluma au cœur désespéré du pilote. L’atterrissage serait dur peut-être, dans ce ressac, mais non impossible.

La terre apparaît plus noire à mesure que le naufragé en approche. Il en a étudié anxieusement les aspects. Hélas ! partout une falaise escarpée ! Comment s’y cramponner et la gravir dans un pareil moment ?

La poutre qui le porte, arrive avec un choc dont le bruit est amorti dans les fracas des éléments déchaînés. C’est un coup terrible qui l’a secoué rudement. Mais la pièce de bois emportée par le reflux de la vague est ramenée sur la crête blanchie d’une autre et les chocs se succèdent pressés, affaiblissant grandement le pauvre Luigi. Si le malheureux n’avait eu la précaution de s’attacher à son radeau en le lançant, il est bien probable qu’il n’aurait pu s’y maintenir, car ses forces enfin l’abandonnent, et il s’évanouit avec la sensation confuse comme il revint sur le granit, qu’il y pénètre et que le flot le jette en un lieu où les ondes, courroucées n’ont aucun pouvoir.

L’épave montée par Luigi ne frappait pas toujours à la même place dans les mouvements du ressac désordonné. À l’instant où il perdait connaissance, la vague le projetait dans une cavité du rocher se terminant en grotte, et dont le sol en pente était à sec.

Combien de temps le pilote demeura-t-il étendu sans vie dans ce nouvel abri ? En recouvrant lentement la mémoire des faits, cette question sortit machinalement de ses lèvres, en même temps qu’il cherchait à deviner la nature du lieu, mais l’obscurité dense ne lui permit pas de s’en rendre compte.

Fouillant dans la poche de son habit, il y trouva avec un sentiment de joie indéfinissable, un solide couteau qu’il portait continuellement. Il avait craint de l’avoir perdu dans la tempête. Ayant tranché les liens qui le liait à l’espar, il voulut reconnaître les environs.

Dans l’intérieur de son justaucorps il conservait avec soin un briquet pour le feu, et afin de le préserver de l’humidité le gardait dans une petite boîte de fer blanc, fermée hermétiquement.

Il fit du feu d’un morceau d’amadou, et soufflant sur la partie allumée obtint bientôt un tison. Ses yeux s’habituaient aux ténèbres de la grotte, et, aidé de la faible clarté du tison, Luigi chercha autour de lui un combustible. Il put trouver quelques branches d’arbres, jetées là probablement par les flots tourmentés, à une époque antérieure. On était en septembre, et, sous ses vêtements mouillés, Luigi grelottait. Il est facile de concevoir à quel point ses idées passèrent du noir au rose en présence d’un bon feu. Il tordit son linge et le disposa pour sécher aussitôt que possible.

Pendant que le foyer éclairait la grotte, Luigi en commença l’inspection. Les parois étaient loin d’avoir la symétrie des murs d’une habitation la plus grossière : ici, la muraille granitique fuyait en une cavité étroite ou béante ; ailleurs, une anfractuosité saillait dans la chambre.

Luigi sondait des pieds et des mains chaque cavité, quelquefois y disparaissant même tout entier, et ne revenait qu’en ayant constaté l’impossibilité d’aller plus loin. Il avait déjà examiné cinq ou six places, lorsqu’il pénétra dans une ouverture au ras du sol, où son corps eut tout juste accès. C’était un boyau en forme de « f » très étendu. L’explorateur forcé d’avancer lentement afin de ne pas déchirer sa peau aux aspérités du roc, sentit les parois s’éloigner brusquement de lui, et il émergea tout à coup dans une nouvelle grotte, obscure comme la nuit. Il n’osa s’aventurer hors du passage, de crainte de ne plus le retrouver. Glissant à reculons, il retourna dans la première grotte, y prit du feu et, rampant de nouveau dans l’étroit boyau, déboucha dans la seconde grotte. Agitant le bois enflammé autour de lui, il distingua la disposition de la nouvelle pièce. Elle était petite, peu élevée et ronde. Dans la voûte, un trou de quelques pieds de largeur offrait une autre issue. Sous cette ouverture, il y avait un bûcher disposé avec ordre.

Luigi comprit immédiatement que d’autres que lui étaient déjà venus là, probablement des sauvages. Quoiqu’il importait de savoir s’ils étaient à craindre, il remit la solution de cette question à plus tard et ne songea qu’à transférer une partie du bûcher à la cave in-