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LA MAIN DE FER

ancien de la tribu, s’adressa aux visages pâles.

— Les Tsonnontouans, dit-il en substance, jouissaient de la réputation bien méritée de guerriers intrépides. Les fils d’Ononthio étaient renommés aussi pour leur vaillance, et les Iroquois admettaient le compliment des premiers en contractant le rapprochement désiré.

En ce qui concernait la construction d’un grand canot, les Sauvages n’étaient pas contents de l’idée. Ce projet allait assurer aux Français la suprématie sur les mers d’eau douce avoisinantes, mais confiants dans la parole des blancs, que cette barque ne serait jamais qu’un instrument pour le commerce des pelleteries, ils se reposaient sur leur honneur pour que ce bâtiment n’eût point de caractère moins pacifique.

Les Iroquois, pour engager leur parole et leur consentement, offrirent à M. de la Motte des colliers de verroterie.

Assuré, dans tous les cas, d’une neutralité temporaire chez ses voisins, le commandant retourna au poste de Niagara, où M. de la Salle venait d’arriver avec Tonty et quatorze hommes. De la Motte lui fit le rapport de son expédition.

Apprenant que les Sauvages n’avaient pas tous vu du même œil favorable son établissement au Niagara, De la Salle se douta bien que les choses n’en resteraient pas là, et que ses ennemis lui créeraient bientôt de sérieux embarras. Ses traiteurs appartenant aux premières familles canadiennes, lui mettraient en travers de ses entreprises, les farouches et traîtres Iroquois.

Il n’y avait donc pas de temps à perdre.

Aussitôt, De la Salle fit abattre des chênes croissant en quantité tout près de là, et le 26 janvier 1679, il plaçait en chantier la quille de son navire, et promit une prime de dix louis d’or pour activer les travaux.

Voyant que tout allait bien, De la Salle repartit pour le fort Frontenac.

S’en retournant, il se fit accompagner par Tonty et quelques hommes du poste de Niagara jusqu’à l’embouchure de la rivière de ce nom, où il indiqua à son lieutenant un emplacement pour un fort qu’il voulait appeler Conty.

Le poste palissadé érigé par M. De la Motte n’aurait pas subi avec avantage l’attaque d’une bande d’Iroquois. Il avait été fait trop à la hâte, ne répondant qu’au besoin urgent de protéger contre les rigueurs de l’hiver.

Diligemment, Tonty s’occupa des deux ouvrages commis à ses soins. Les travaux de construction de la barque avançaient à vue d’œil et le fort Conty prenait des proportions rapides.

De la Salle avait laissé avec Tonty, deux Mohicans, chasseurs émérites qui, l’hiver durant, pourvurent la garnison de gibier. On peut affirmer que sans ces braves, les habitants du poste auraient souvent éprouvé les sensations désagréables des tiraillements de la faim.

Dans le voyage de M. de la Salle au Niagara, l’embarcation chavira à quelque distance du rivage et les vivres qu’il apportait à De la Motte furent perdus. Tonty soupçonna le pilote d’avoir à dessein causé ce naufrage pour servir les intérêts des ennemis du seigneur de Cataracouy.

Avec le printemps de 1679, apparurent autour du chantier du « Griffon » et du poste des Français, des figures suspectes d’Iroquois, au verbe hautain, menaçant de détruire la barque mi-achevée.


CHAPITRE IV

UNE PARTIE DE PÊCHE À L’ÎLE CAYNGA


Le renouveau est venu encore une fois rajeunir la terre, lui faire une fraîche toilette comme à une vieille coquette, qui, pour paraître avec avantage, se poudre, se frise, se fleurit et se donne un teint ravissant à l’aide d’artifices plus ou moins condamnables, car, la poudre tombée, la frisure défaite, les roses des joues pâlies ou fanées, il en faut revenir à une seconde opération pour retrouver cette beauté factice. C’est l’histoire du printemps suivi de l’été, de l’automne et de l’hiver. La fraîcheur de la saison printanière passe tôt ; profitons de son règne pour en jouir.

Un jour, au commencement de mai, trois ouvriers de Tonty s’approchèrent de lui, et lui dirent :

— M’sieur l’chevalier, depuis quelque temps nous avons travaillé bien fort, au navire, et vous nous feriez un vif plaisir en nous accordant une demi-journée à tous trois.

— Si vous êtes si fatigués, certainement