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l’avocat. Allons ! quelque solliciteur ! Je ne puis rien pour vous, et mes instants sont précieux. Retirez-vous et laissez-moi la paix.

baptiste (d’un ton suppliant). J’ai grand besoin d’vous, m’sieu l’avocat !

l’avocat (sèchement). J’en suis fâché ! Adressez-vous ailleurs ; je ne suis pas riche ; les clients paient si mal et sont si rares !

baptiste (changeant de ton). Je l’cré ben, ma foi ! si vous les recevez d’la sorte ?… Alors, vous n’voulez point d’mon procès ?…

l’avocat (s’adoucissant). Mais si ! mais si ! Excusez-moi, mon cher monsieur, je n’avais pas compris qu’il était question d’un procès ; que vous faisiez appel à mon ministère.

baptiste. Pardine ! quand on s’adresse au cordonnier, c’est qu’on a besoin d’chaussures !

l’avocat (d’un air aimable.) Oh ! mais alors, c’est bien différent, du moment qu’il s’agit d’un procès ! Comme je vous le disais tout à l’heure, mon temps est précieux, parce que je le réserve à mes chers clients.

baptiste. E l’mien, don’ ? créyez-vous qu’j’ai rien à faire chez nous.

l’avocat. Non, certes !

baptiste. À c’t’heure, j’devrions être à soigner nos cochons, sauf vot’respect ; pauvres bêtes ! j’dois ben leur manquer !

l’avocat. Intelligents animaux !… Mais oubliez-les, un instant, pour songer à votre affaire. D’abord, asseyez-vous, je vous en prie, et débarrassez vous de ce panier.

baptiste. Faites escuse ; mon panier, ça m’sert de contenance, et pis j’ons deux livres de beurre et un’douzaine d’œufs frais dedans.