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baptiste. C’est pourtant un’chose ben connue chez nous, et qu’tout l’monde tient pour vérité !

l’avocat. Ma foi, pour ma part…

baptiste. J’vas vous l’prouver. J’arrive su’mon propriétaire qu’est l’meilleur homme du monde, et i’  augmente mon bail de 100,00 $.

l’avocat. C’était son droit, si votre bail était expiré, de changer les conditions de votre fermage.

baptiste. Ah ! pauvre cher homme ! j’lui en veux pas, j’sais ben qu’c’est d’là faute de Lalonde.

l’avocat. Hum ! hum ! (à part.) Il est fou, l’habitant !

baptiste. Le lend’main, en ouvrant mon châssis, l’matin, j’vois ce diable d’homme planté d’l’aut’côté d’la clôture, qui r’gardait not’maison, comme s’il voulait la dévorer des yeux ; j’en ai eu frette jusqu’au cœur, et c’était comme un avertissement, parceque l’soir même, incendie était chez nous.

l’avocat. Allumé par lui ? Revenons à ce point important.

baptiste. Non, c’est mon p’tit gars qu’a mis l’feu à sa paillasse, mais c’est ben pareil…

l’avocat, (d’un ton irrité.) Point du tout ! point du tout distinguons ; un enfant désobéissant…

baptiste, (avec attendrissement.) C’est un chérubin, pauvre p’tit ! Mais que vouliez vous qu’il fit contre un sort ?… J’l’ai pas grondé, allez !…

l’avocat, (éclatant.) Vous avez eu tort. Et tout cela n’a pas le sens commun.

baptiste, (avec animation.) Et si j’vous dis qu’un d’nos bœufs est mort, parc’qu’il a touché la pauvre bête avec le bout d’un’gaule ; vous n’me crérez point peut-être ? Et qu’toutes mes saucisses sentent la souris c’t’année ! Et qu’jai pas pu réussir ni un’ couvée d’poulets, ni un’ couvée d’canards ! Que m’direz-vous à la fin, m’sieu l’avocat ?