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baptiste, (avec humeur.) En tout cas, c’est pas vous qui la mang’rai !

l’avocat. Mon Dieu ! Ne nous emportons pas, Monsieur Latouchade ! (à part) Ne laissons point partir l’affaire et les provisions. (Haut.) Je n’ai peut-être pas assez creusé votre dossier. Ainsi, vous ne m’avez pas encore dit en quoi s’était manifesté la diabolique influence de votre coupable voisin ? Voyons, voyons : racontez-moi cela.

baptiste, (avec conviction.) Ah ! c’est un’histoire qui vous f’ra frémir, allez !

l’avocat. Je vous écoute avec la plus grande attention.

baptiste. C’est la veille d’là St-Michel que j’l’ai rencontré pour la première fois, car il est étranger au pays, et viens, de j’sais où ! J’allais justement porter d’l’argent à not’propriétaire : je l’trouvai au bas d’la montée qui mène su’l’seigneur Dumont. Il était assis sur un’grande pierre plate au bord du ch’min, et m’attendais pour le sûr, puisqu’il n’avait pas d’affaire là. Comme j’portions un grand panier et deux paires de poules à la main, j’étais fatigué, et j’posai un instant, ma charge su’la pierre à côté d’lui pour reprendre haleine ; j’aurais ben mieux fai’, de m’en aller tout drette su’l’seigneur Dumont ousqu’on m’donne toujours d’quoi m’rafraîchir, mais j’y pensais pas p’en tout’, quand j’m’arrêtai près de c’t’homme là. Stapendant, i’ s’était r’tulé un p’tit brin pour m’faire d’la place, et comme j’ai d’l’usage j’y dis bonjour et merci, pour reconnaître sa politesse, alors, y m’répond en me regardant dans les yeux, ben comme i’ faut, en face : Comment est-ce que vous vous app’lez d’vot’nom ? L’effronté, voyez-vous ça ?

l’avocat. Eh bien !

baptiste. Eh ben ! s’que vous savez pas qu’ça porte malheur de d’mander aux gens leurs nom su’l’grand ch’min. ?

l’avocat. J’avoue mon ignorance à ce sujet.