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Le mode d’existence des émigrants dans la campagne romaine. — Du même coup seraient modifiées aussi les conditions d’existence des ouvriers agricoles qui sont actuellement déplorables. Le professeur Celli, député et directeur de l’Institut d’hygiène de Rome, a décrit d’une façon émouvante la vie de ces malheureux émigrants[1].

C’est le maïs préparé en polenta qui fait le fond de la nourriture du paysan. Mais les familles qui cultivent des terres en colonage ne mangent presque jamais leur propre maïs, mais celui que le caporal leur a avancé, qui est souvent de qualité inférieure et qu’il se fait rendre avec usure en reprenant parfois 23 à 50 pour 100 de plus qu’il n’a donné. Aux grandes fêtes, il distribue aussi du lard, du fromage et du vin, qu’il se fait rembourser largement. Pendant la période des foins et des moissons, les ouvriers reçoivent : 1 kgr, 360 de pain, 2 litres de vin. 85 grammes de fromage ou de lard, du vinaigre, de l’huile et des oignons. En fait, que le salaire soit payé en totalité en argent ou en partie en nourriture, c’est presque toujours le caporal qui fournit les aliments à l’ouvrier. C’est une source d’abus criants : l’ouvrier est trompé sur le poids, le prix et la qualité, le plus souvent détestable. Il lui est impossible d’échapper à cette exploitation parce qu’il se brouillerait avec le caporal qui ne l’emploierait plus, et parce qu’il lui est pratiquement impossible de se fournir ailleurs. La Campagne romaine est

  1. Cf. Angelo Celli, Come vive il Campagnolu dell'Agro romano, Rome, Società éditrice nazionale, 1900.