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ouvrier est souvent débiteur du caporal ce qui l’oblige à s’engager pour la saison suivante[1]. Il faut donc quelque argent pour être caporal ; il en résulte que ces entrepreneurs sont le produit d’une sélection ; parfois ils sont fils de caporaux ; souvent ce sont d’anciens journaliers intelligents qui ont réussi à mettre un petit capital de côté et à acquérir la confiance de quelque fermier qui les charge de recruter des ouvriers dans leur pays natal. Le fermier leur fait aussi des avances de fonds, s’il est nécessaire ; à cet égard il y a partie liée entre eux.

J’ai vu à Monte San Giovanni un caporal, qui sait tout juste lire, signer et compter. Resté orphelin à trois ans, il a d’abord travaillé comme ouvrier, puis est devenu entrepreneur de main-d’œuvre. Chaque année il fournissait à une grande ferme de Conca, près d’Anzio, le personnel nécessaire pour la culture et la moisson ; c’était une entreprise importante puisqu’il devait engager jusqu’à (1 600 ouvriers à l’époque de la récolte. Aussi certaine année, a t-il perdu plus de (30 000 francs en quinze jours ; il avait avec le fermier un contrat fixant le salaire journalier, mais par suite de la concurrence d’un autre caporal, d’une direction différente prise par l’émigration, etc., il a dû payer ses ouvriers 40 francs au lieu de 25 francs, prix prévu ; bien entendu, la différence est restée à sa charge. Il a perdu aussi plus de (20 000 francs d’avances qu’il avait faites à des gens insolvables qui sont morts ou qui ont quitté le pays.

  1. Cf. W. Sombart, La Campagna romana, p. 93.