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complètement. De tout temps la transhumance a existé entre la province de Rome et les montagnes de l’Apennin, mais c’est seulement à la fin du XIXe siècle qu’elle a pris son développement actuel. On se rappelle encore le temps où les bergers de l'Ombrie et des Marches n’osaient pas dépasser le pied du Soracte, d’où ils contemplaient avec effroi la Maremme, pays de la fièvre et de la mort. Un jour vint cependant où il leur fallut affronter ce pays redoutable lorsque les progrès de la culture dans les Marches et en Ombrie eurent fait disparaître dans ces provinces les jachères et les pâturages d’hiver. Ce furent les bergers de Visso, dans l’Apennin ombrien, qui, sous l’empire de la nécessité, envahirent les premiers la rive droite du Tibre en offrant pour le pâturage des prix de location si avantageux que les fermiers réduisirent, puis supprimèrent le gros bétail. Les Abruzziens firent de même sur la rive gauche et la brebis prit ainsi possession de toute la Campagne romaine jusqu’au littoral de la mer.

Pourquoi les pasteurs peuvent-ils offrir des prix de ferme qu’on n’aurait pas osé espérer jadis ? Ici nous relevons une répercussion assez inattendue de l’émigration sur l’art pastoral. Nous savons que la brebis est exploitée pour son lait qui sert à fabriquer un fromage dénommé pecorino (de pecora, brebis) de saveur très piquante, qui est très apprécié des Italiens. C’est un fromage qui se conserve bien ; aussi peut-il supporter les longs voyages, et c’est pourquoi il est très demandé en Amérique où, comme on sait, il y a de nombreux émigrants italiens. Ces émigrants sont pré-