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tions dont la manière de vivre a été bouleversée. Les indemnités en argent ou en terrain ne sauraient compenser les avantages de la jouissance directe, à cause de l’élasticité de cette jouissance, de ses abus mêmes et des produits secondaires que pouvait fournir le sol aux usagers. « La somme des utilités que les usagers retiraient de l’exercice des droits de servitude était en fait plus grande que celle qu’ils pouvaient démontrer d’en retirer et qui devait servir de base à affranchissement. » Le droit des usagers est donc restreint dans son étendue matérielle, et il ne gagne pas en intensité puisque les terrains donnés en indemnité sont attribués soit à la commune, soit à une association qui joue alors vis-à-vis des paysans le rôle que jouait auparavant le propriétaire. En définitive, le droit des usagers en tant qu’individus ne s’est pas modifié, il s’exerce seulement sur une surface moindre. Les paysans ne peuvent donc pas compenser par une culture plus intensive la diminution du territoire d’où ils tiraient leurs moyens d’existence. C’est là le vice du système dû à la méconnaissance de cette loi sociale que la propriété s’organise en vue du travail et que, si l’on veut modifier la forme de la propriété, il faut d’abord changer le mode de travail ; or, la population n’y semble pas disposée et la loi est inefficace en pareille matière.

On peut donc affirmer que l’affranchissement des terres par l'abolition des usages publics n’est pas une solution de la question agraire. Le législateur s’en est bien rendu compte, puisque la loi du 8 mars 1908 a suspendu l’application de la loi