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profiter au moins partiellement de ce sol par pâturage ou par culture. Cet argument ne peut manquer de paraître juste. Ainsi, à Ischia di Castro, il y a 3000 habitants et tout le territoire de la commune appartient à des latifundistes qui trouvent plus avantageux et plus commode de louer le pâturage que de faire de la culture. Ils abandonnent quelques centaines d’hectares aux paysans pour semer des céréales, mais l’étendue de ces terres diminue chaque année à cause de l’extension du pâturage et la population affamée, ralliée autour du drapeau rouge, prend possession des terres par la force.

Nous voyons donc aujourd’hui le conflit s’affirmer nettement entre propriétaires et paysans : les premiers assurent que les usages publics leur rendent tout progrès agricole impossible ; les seconds protestent qu’ils n’ont pas d’autres moyens d’existence que les usi civici. Ce sont là des faits qui ne sont pas niables et dont il faut bien tenir compte ; nous verrons plus loin s’il n’y a pas un moyen de résoudre cet antagonisme.

Le conflit est aggravé par des facteurs d’ordre psychologique. Les propriétaires ont aujourd’hui une conception plus absolue et plus intransigeante du droit de propriété privée ; ils la doivent à l’influence des pays du Nord et surtout aux doctrines du libéralisme économique qui, à la fin du XVIIIe siècle et au commencement du XIXe, ont fait beaucoup de mal en Italie, parce qu’elles y ont trouvé des gouvernements « éclairés » qui les ont appliquées avec zèle et enthousiasme, mais sans se demander si elles étaient bien en rapport avec l’état