« Il y aura bientôt quarante-trois ans, un tout petit écolier de huit ans et demi endossait pour la première fois le capot, et se rendait, livres et cahiers sous le bras, au séminaire de Québec, pour y commencer ses études classiques. Neuf années plus tard, après une année de voyage en Europe, il entrait au grand séminaire, commençait ses études théologiques, et, au bout de cinq ans, il montait pour la première fois au saint autel. Voilà toute l’histoire de ma jeunesse.
« Les vénérables directeurs du séminaire qui voulurent bien alors agréer mes services dorment tous, excepté un seul, du sommeil éternel, et reçoivent la récompense de leur dévouement au séminaire. Dieu seul connaît ce qu’ils m’ont accordé de charité, et quelle fut ma douleur en les voyant disparaître peu à peu de la scène de ce monde.
« Ma vie sacerdotale de vingt-neuf ans, aussi heureuse qu’elle peut l’être dans cette vallée de larmes, s’est donc écoulée tout entière à l’abri de ces murs vénérables que Mgr. de Laval a élevés il y a deux siècles.
« Comme vous le voyez, messieurs, sur le demi-siècle qui a blanchi mes cheveux, le séminaire a eu plus de part que la maison paternelle.
« Hélas ! encore une fois, il faut quitter cette maison où j’ai trouvé des pères dévoués, des confrères pleins d’affection, des enfants qui m’ont payé au centuple par leur docilité le peu de bien que j’ai essayé de leur faire. J’avais espéré y vivre, y mourir, y reposer au milieu de ceux qui furent autrefois mes maîtres et mes modèles. Triste condition des enfants d’Adam, dont les projets les plus légitimes aboutissent trop souvent à la déception !
« À mon grand malheur, j’ai prêché, exalté, recommandé et enseigné l’obéissance avec trop de zèle pour avoir le droit de m’y soustraire aujourd’hui… »
Il est difficile de relire cette page sans être ému ; mais sa parole se fit plus touchante encore et plus délicieusement tendre, lorsque les élèves du petit séminaire vinrent le féliciter sur son élévation au trône archiépiscopal :
« J’avais naguère, » leur répondit-il, « un beau jardin que je cultivais avec amour, en compagnie de frères dévoués. Nulle pensée étrangère ne pouvait m’en arracher ; j’aimais à m’y promener ; j’aimais à suivre l’épanouissement de ces fraîches roses que le retour de l’année scolaire faisait éclore et que le soleil de l’étude, avec la douce