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lazare

Il respire, et le sang dans ses veines circule !
Il marche, et du linceul encore embarrassé,
Il passe dans la foule ainsi qu’un somnambule !
Il parle à son Sauveur ! il le tient embrassé !
Et maintenant, ô Mort, que devient ta victoire ?
Que te sert d’avoir pu triompher un instant ?
De tes succès passés et de ta sombre histoire
Il ne te reste enfin qu’un échec éclatant !
C’en est fait, ton vainqueur entre dans la carrière.
De ton royaume horrible et plein d’infection
Il a soudainement renversé la barrière !
Il a jeté son cri de résurrection.
Et toi, qui restes sourde à nos plaintes amères,
Qui dans nos désespoirs triomphes et souris,
Qui n’entends ni les vœux ni les larmes des mères,
Ni les déchirements des enfants, ni leurs cris,
Tu l’entends cette fois le cri de l’espérance,
Et tu connais ton maître en ce jour solennel !
Ton empire s’achève, et son règne commence :
Lazare est un prélude au triomphe éternel !

La terre est un immense et sombre cimetière.
Elle cache en son sein plus de millions de morts
Qu’elle ne peut nourrir à sa surface entière
De milliers de vivants ! L’océan et ses bords,
Les flots du grand Désert, et les vagues des hâvres,
Et les neiges du pôle, et les sables brûlants
Renferment dans leurs plis d’innomblables cadavres.